Testament de la marquise de Querhoënt
Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit. Ainsi soit-il
CECY EST MON TESTAMENT
Je demande d'être enterrée dans le cimetière des pauvres de la paroisse ou je moureray sans aucune pompe, et je ne veux estre enterrée que trois fois vingt-quatre heures après ma mort, ce que je recommande expressément a mon exécuteur testamentaire cy dessous nome. Je donne et lègue à Mmes Chaperon et Camus, mes deux femmes de chambres a chacunes d'elles cent pistoles de rentes viagères, et ma garde robe ainsi que mes dentelles et toutes les étoffes et mousselines en pièces qui se trouveront a mon deceds, et je leurs donnent les meubles de leurs chambres
Je donne à Nicollet mon suisse une pension viagère de 800 livres, à Decossin, mon vallet de chambre, 600 livres de pension viagère. Je déclare que touts les meubles qui sonts dans le logement qu'occupe Decossin si dessus nome dans le petit hôtel sont a luy. Il ni a que ceux qui sonts dans les deux petites pièces que j'ai fait arranger et ceux de l'infirmerie qui m'apartiennent –
Je donne à Mr de Seme mon officier 600 livres de pension viagère. Je donne à Rouchon mon cuisinier 800 livres de pension viagère. A Sr Jean Poiquerel mon valet de chambre 800 livres de pension viagère. A Guetier concierge et régisseur de la Ribochere 600 livres de pension viagère. A Sr Louis, mon premier laquais 400 livres de pension viagère. A Antoine, mon cocher, a Prevost, mon laquais, a Verville aussy laquais a chacun 300 livres de pension viagère. Je donne à Le Roy, garson de cuisine 200 livres de pension viagère, a la veuve de Raine 100 écus de pension viagères ou trois cent livres de pension
Touts ces legs fait si dessus à mes gents n'auront pas lieu a l'égard de ceux qui ne seront plus à mon service lors de mon déceds. Plus je donne a. tous les Domestiques qui ne sonts pas nome dans mon testament et qui se trouveronts a mon service au jour de mon déceds chacun autant de fois deux cents livres une fois payéees qu'ils auront été d'années à mon service. Mon intention est que l'année commencée soit réputée entière. Je donne et legue à Mr Duquesnoy avocat qui demeure chez moi en qualité de secrétaire et d'Intendant depuis l'année 1773 la somme de 15 000 livres une fois payée avec tous les meubles, linge et effets qui se trouveront dans l'appartement qu'il occupe dans la maison que j'ai achettée en 1782 attenant mon hôtel dont je luy ai fait donation entre vifs pour en jouir après mon déceds, laquelle donnation je confirme en tant que besoin mon intention est qu'on ne lui fasse aucunes difficultés sur les dits meubles et objets et que l'on s'en raporte à sa déclaration connaissant son honesteté et sa délicatesse, je lui donne aussi toutes les glaces qui se trouveront dans cette maison sans aucunes réserves, ainsy que touts les livres de ma Bibliothèque de Paris touts lesquels legs lui seront délivrés sans frais toutes les pensions et rentes viagères par moy si dessus léguées auront cours du jour de mon déceds et seront payés sans aucunes retenues d'impositions présentes et futures touts les legs par moy faits et ceux que je pourray faire par la suitte seront payés et délivres sans aucun frais et leurs intérêts coureront du jour de mon déceds. Je donne et lègue a Madame de Pons, ma cousine ma terre de Chambray telle qu'elle se poursuit et comporte, et tous les meubles et linge qui y sont et à son deffaut je donne et lègue la dite terre meubles et linge à Mlle de Pons sa fille à qui je donne particullierement tous mes diamants que je la prie d'accepter comme une marque de mon amitié. Je fais et institue pour mon légataire universel Pierre René Charles Arnoult, demeurant à Montoire en Vendomois et en la dite qualité je lui donne et lègue le surplus de tous mes biens, meubles et immeubles, réels et fictifs dans quelques coutumes qu'ils soyent situés pour en jouyr par lui de la manière qui lui sera la plus avantageuse, a la charge par lui d'aquiter à la décharge de mes héritiers tant paternels que maternelles la somme de cent soixante mille livres qui m'a été laissée par les héritiers de mon mary pour le fond de mon douaire, et droits d'habitation laquelle somme sera payee dans le tems convenu par l'acte de liquitation de notre communauté.
Je nome et choisie pour mes exécuteurs testamentaire mon dit S' Arnoult et Monsieur Martin, mon notaire, demeurant a Paris, rue de Sevre Je compte sur leurs zèle et leurs attachement pour moy et j'espère qu'ils s'empresseront d'exécuter mes dernières volontés. Je prie Mr Martin d'accepter en reconnaissance la somme de 15 000 livres une fois payée dont je lui fais don et legs.
Je donne et legue à Mr Léonor Eudelme mon chapelain à Chambray une pension viagère de cent pistoles. Je révoque touts testaments codiciles et autres dispositions de dernières volontés que je puis avoir fait avant le présent testament auquel seul je marette comme contenant mes dernières volontés et intentions.
Fait a Paris ce 10 Décembre 1790 Félicite de Lopriac Donge de Querhoënt.
Je révoque le legs fait au Sr de Seme qui n'est plus à mon service, et je donne et lègue au Sr Pellieux, mon officier, 600 livres de pension viagère, s'il est à mon service au jour de mon deceds. A Chambray ce 2 Janvier 1792. Signé: F de Lopriac, Donge de Querhoënt.
Je révoque le legs fait à Mlle Chaperon qui n'est plus à mon service, et le donne et lègue à Mlle Blacelle, ma femme de chambre, si elle est à mon service au jour de mon déceds le tiers de ma garde-robe et de mes étoffes et mouselines en pièces et cinq cent livres de pension viagère. Mlle Camus aura les deux tiers de ma garde-robe et de mes effets et mouselies en pièces dont je lui fait don et legs. Je laisse et donne à Durand, mon trotteur trois cent livres de pension viagère s'il est à mon service au jour de mon déceds. Je proroge la qualité d'exécuteur testamentaire jusqu'à ce que les affaires de ma succession soient totallement liquidées. A Chambray ce 30 septembre 1793. Signé F. de Lopriac Donge de Querhoënt.
AUDIENCE DU 6 VENTOSE AN VI1 (24 février 1798).
QUATRIÈME SECTION.
Mourre, président, Brisson, DESROUZIERES, BASTARD, BENABEN, BOURON
et MAGNON, juges.
ARNOULT (DELAVIGNE, fondé de pouvoir) C. GOHIER et sa femme,
la veuve DE PONS et autres, défaillants.
Succession de la veuve de Querhoënt
Attendu que la loi du 18 pluviôse an V, a rendu valables les testaments antérieurs aux lois des 5 brumaire et 17 nivôse an II, et qui n'ont pas été renouvelés depuis, quoique la loi en indiquât l'obligation, lorsque ces testaments sont l'ouvrage de personnes qui ont péri en vertu de jugements révolutionnaires ;
Attendu que la veuve de Querhoënt a été condamnée à mort par le Tribunal révolutionnaire de Paris ;
Attendu que la veuve de Pons, légataire particulière de la veuve de Querhoënt, s'étant portée son héritière, le legs particulier qui lui avait été fait ne peut avoir d'effet ni à son égard, ni à l'égard du citoyen Tourzel et de son épouse ;
Le Tribunal
Déclare commun avec Gohier et sa femme et les autres parties le jugement rendu en la troisième section le 3 floréal an IV contre Arnoult et la veuve de Pons ;
En conséquence, ordonne l'exécution à l'égard à Arnoult du testament olographe de la veuve Querhoënt du 10 décembre 1790 déposé pour minute à Péan Saint-Gilles, notaire, le 7 frimaire an IV.
Lui fait délivrance du legs universel porté audit testament pour par lui disposer en toute propriété et jouissance des meubles et immeubles compris audit legs.
AUDIENCE DU 12 FRUCTIDOR AN VI2 (29 août 1798).
QUATRIÈME SECTION.
MOURRE, président.
ARNOULT (DELAVIGNE, fondé de pouvoir) C. GOHIER et son épouse et autres héritiers de la veuve DE Querhoënt (LA FLEUTRIE, fondé de pouvoir), —
le citoyen TOURZEL et son épouse (CARBONNIER, fondé de pouvoir),
— et l'administration centrale du département de la Seine,
représentant LA ROCHEFOUCAULD LIANCOURT et autres héritiers émigrés.
Succession de la veuve Querhoënt.
Le Tribunal
Reçoit les époux Tourzel, l'administration centrale du département de la Seine, les époux Gohier et autres opposants au jugement du 6 ventôse an VI.
Sur la demande de la citoyenne Tourzel, en délivrance du legs de la terre de Chambray ;
Vu le testament de la veuve Querhoënt, portant : « Je lègue à Mme de Pons, ma cousine, ma terre de Chambray et tous les meubles qui y sont, et, à son défaut, je lègue ladite terre et meubles à Mlle de Pons, sa fille, à qui je donne particulièrement mes diamants » ;
Attendu que cette disposition contient une substitution vulgaire en faveur de la citoyenne de Pons fille, aujourd'hui femme Tourzel ;
Attendu que la citoyenne de Pons mère, recueille le legs à elle fait, et que sa fille n'y a aucun droit ;
Déboute la citoyenne Tourzel de sa demande;
La condamne à rétablir dans la masse héréditaire la terre de Chambray, dont elle a été mise en possession par arrêté du département de l'Eure du 26 floréal an IV;
Sur la demande de la citoyenne Tourzel, en délivrance du legs des diamants:
Attendu que ce legs n'est pas contesté ;
Le Tribunal en fait délivrance ;
Sur la demande d'Arnoult, en délivrance du legs universel à lui fait par la veuve Querhoënt :
Attendu que le légataire universel déclare réduire son legs à la quotité déterminée par la loi ;
Attendu qu'il a droit au sixième de la succession ;
Attendu que la condition imposée par le testament à Arnoult d'acquitter une somme de cent soixante mille francs était calculée sur l'importance du legs qui lui était fait, et que ce legs étant subordonné aujourd'hui aux dispositions des lois nouvelles, la condition doit également leur être subordonnée ;
Le Tribunal fait délivrance à Arnoult du legs universel ;
Ordonne que dans la masse des biens dépendant de la succession de la veuve Querhoënt dont le partage sera fait entre les héritiers et Arnoult, entreront la terre de Chambray et les meubles qui s'y sont trouvés pour, par Arnoult, prélever le sixième à lui revenant comme légataire universel ;
Ordonne que la charge imposée à Arnoult par le testament sera acquittée par lui et par les héritiers en proportion de ce que chacun d'eux a droit de réclamer dans la succession.
1 Extrait des minutes, f. 88, n° 6.
2 Extrait des minutes, f. 236, n° 36.