Dans Ouest-France, Yann Lukas, alias Jean-Luc Lelibou, affirme la chose suivante « Les Bretons ne connaissent ni leur langue, ni leur histoire, ni leur géographie. Qu’est-ce qu’il leur reste de breton ? Un nom de famille ? Les Bretons sont en train de devenir des Français comme les autres. Il y a une uniformisation liée à l’absence de culture »,
Dans son ouvrage Psychanalyse de la Bretagne, le journaliste retraité d'Ouest-France analyse les blessures identitaires d’un peuple en voie de dilution : disparition de la langue, séparation de la Loire-Atlantique, invasion touristique, stéréotypes anciens ou condescendance moderne. Il constate que la Bretagne, jadis méprisée, est désormais « à la mode », mais craint qu’un excès de tourisme et l’oubli de la langue n’effacent son identité. Pour lui, la langue reste le socle de la culture et des particularismes, même réduits à quelques mots quotidiens.
Lukas dénonce aussi le centralisme français, qui, selon lui, a affaibli la Bretagne en amputant son territoire et en marginalisant ses spécificités. Si les Bretons demeurent perçus comme un peuple à l’extérieur, leur identité s’érode chez eux. L’essayiste appelle à une réaction politique, inspirée par l’exemple écossais, pour éviter que la « liquidation » culturelle et identitaire ne s’achève.
On serait tenté de lui répondre la chose suivante :
« Les Bretons ne connaissent ni leur langue, ni leur histoire, ni leur géographie. »
C’est une vision exagérée et dévalorisante. Des milliers de personnes apprennent et transmettent aujourd’hui le breton, notamment grâce aux écoles Diwan, aux filières bilingues et aux cours pour adultes. Jamais depuis la guerre la langue n’a eu autant de jeunes locuteurs. Certes, elle a reculé, mais parler de disparition inévitable, c’est nier les efforts et les dynamiques actuelles.
« Les Bretons sont en train de devenir des Français comme les autres. »
Non. L’identité bretonne est multiple et vivante. On peut être à la fois profondément breton et pleinement français ou européen. La culture bretonne ne se limite pas à la langue : elle s’exprime dans la musique (le fest-noz inscrit au patrimoine immatériel de l’UNESCO), la danse, la littérature contemporaine, la gastronomie, les luttes écologiques locales… Ces marqueurs ne disparaissent pas, ils se réinventent.
« La Bretagne est malade de son succès et menacée par le tourisme. »
Le tourisme pose des problèmes, certes, mais il apporte aussi des moyens de valoriser notre patrimoine et d’encourager la transmission. Les festivals comme les Vieilles Charrues ou le Festival interceltique de Lorient sont à la fois très populaires et profondément ancrés dans l’identité bretonne. Le risque n’est pas la dilution mais de savoir accompagner ce succès par des politiques culturelles fortes.
« La Loire-Atlantique est comme un bras amputé. »
L’image est parlante, mais trop dramatique. En réalité, les mobilisations pour la réunification témoignent d’une identité bien vivante et d’une conscience historique partagée. Le débat est ouvert et vivant dans la société civile, ce qui est une preuve de vitalité culturelle et politique.
« La liquidation est en marche. »
C’est une formule désespérante et injuste. Si vraiment la liquidation était en marche, comment expliquer l’explosion des noms de lieux restaurés en breton, le dynamisme des associations culturelles, le regain d’intérêt des jeunes générations pour leurs racines ? L’histoire de la Bretagne est faite de résistances, de réinventions. Aujourd’hui encore, il y a des signes forts d’un renouveau, pas d’une disparition.
Lelibou met surtout en avant une vision pessimiste et nostalgique, en projetant une disparition programmée. Un militant culturel breton répondrait que la culture bretonne n’est pas morte, elle change de formes. La langue connaît certes un déclin historique, mais elle retrouve un élan grâce à de nouveaux locuteurs. L’identité, elle, est plurielle, ouverte, et s’enrichit de nouvelles pratiques, sans se réduire à un folklore ni à un simple nom de famille.
La seule chose que l'on peut partager avec lui : quand la France jacobine semble se déliter et que ses élites nationales n’intéressent plus personne sur les plateaux de télé parisiens, le renforcement d’un pouvoir régional, à l’image de nos voisins européens, ne peut être que salutaire pour rapprocher les citoyens duu pouvoir de décision et en rééquilibrant les frustrations suscitées par un centralisme défaillant.
Et vous, qu'en pensez-vous ?