Les Sœurs de Kerhoant

Kerhoant a donné deux religieuses à l'Eglise : Euphrasie et Célestine Créach, nées en 1905 et 1909. La première, en religion sœur Marie Emmanuelle, fut essentiellement professeure d'arts plastiques à Notre-Dame-de Kerbertrand, à Quimperlé. La seconde, sister puis reverend mother Mary Gertrude, fut longtemps missionnaire à Hawaï après avoir servi aux USA et en Angleterre.

Célestine et Euphrasie Créac'h avant de quitter Kerhoant...

Née en 1905, Euphrasie était " l'aînée d'une famille bien chrétienne qui comptait six enfants dont les cinq filles furent toutes scolariées à Saint-Ursule ", rappellera le bulletin de l'institution.

L'aînée, a quitté Kerhoant le 19 octobre 1924  pour prendre le train du soir, conduite par sa mère et son grand-père Cabioch. Direction Beaugency, près Orléans, où elle prit le voile des Ursulines le 9 septembre 1925. En 1926, elle prononce ses vœux de religion pour trois ans et reçoit son obédience pour Cheltenham, en Angleterre. Elle étudie à la Corpus Christi Catholic High School à Fullwood-Park, Preston, université du diocèse catholique du Lancashire et prononce ses vœux définitifs le 10 septembre 1930.

Devenue sœur Marie Emmanuelle, Euphrasie enseigne à Paris, Boulevard Pereire jusqu'en 1935. Puis elle retourne à Beaugency pour y former les novices. Quand la guerre éclate. L'exode de 40 la ramène de camion en camion dans l'Ouest. Après une année d'études à l'école de monitorat agricole et ménager, Euphrasie enseignera dans le Nord, à l'école ménagère de Sainte-Saulve, près Valenciennes. Elle y est attestée en 1952 à l'adresse du pensionnat Notre-Dame-de-la-Garde, 38, place de la Mairie. On la retrouve ensuite directrice d'arts ménagers à l'école ménagère d'Aire-sur-la-Lys. Ce n'est qu'en 1961 qu'elle retrouvera enfin la Bretagne, à Notre-Dame-de-Kerbertrand, à Quimperlé. Elle s'improvise aide-infirmière mais surtout enseigne dessin, peinture, décoration tout en gérant la garde-robe communautaire. Elle confectionne des tuniques pour ses sœurs, fabrique toutes sortes d'objets pour fêtes et kermesses. Et on le lui rend bien. Un jour, quelqu'un lui offrit deux gravures qu'elle sempressa de nous remettre. C'étaient deux lithographies de De la Vallée, l'ami de Gauguin à Pont-Aven. La spécialité d'Euphrasie : peindre sur des galets ramassés sur la grève saint-politaine et nous en possédons des tonnes. Ce qui de nos jours lui aurait valu un petit séjour au purgatoire.. Elle réalise des cartes de menus soit décorés de fleurs, soit de voiliers stylisés. "Avec sa famille léonarde qui lui était très chère, note encore la revue des Ursulines, notre sœur conservait de précieuses relations : n'était-elle pas l'aînée de sa génération ? Volontiers, elle accueillait ses frère et sœurs, avec les nombreux enfants et petits-enfants qu'elle gâtait à sa manière ! ..." Et d'ajouter : "A l'une de ses confidentes, elle déclarait un jour : " Pour moi, Dieu est un éclair d'amour ! " Euphrasie revenait régulièrement à Kerhoant. Nous lui avons rendu aussi visite, notamment à l'occasion de son jubilé. Elle est décédée à Quimperlé en 1999 après nous avoir confié ses mémoires. La revue des Ursulines lui rendit hommage.

C'est le dimanche 25 août 1925 que Célestine Créach quitta Kerhoant pour le noviciat. Avec Mère Marie-Yvonne et Marie Hélard, elle prend le train du soir. Direction Paris et le couvent de Picpus.

Elle partira en 1932 à Ferewell, Massashussets.

On la retrouve à Weymouth, Grande-Bretagne, en 1946. Elle y est toujours en 1951 lorsque, à Kerhoant, naît une nouvelle fille, Joëlle. nous sommes le 4 août et, à Saint-Pol-de-Léon, s'ouvre le Bleun-Brug, vieille fête bretonne fondée au début du siècle par l'abbé Perrot. D'Angleterre, Célestine suit les événements. Elle sait que, venu de Plymouth, son évêque, Mgr Francis Grimshaw, est parmi les invités. Et qu'il est venu à la ferme le 5 bénir l'enfant nouveau-né. Sans doute à la demande de Célestine. Du coup, un sœur lui lance : "La petite Joëlle vous remplacera plus tard, ma mère !" Ainsi se décident parfois les vocations... Célestine écrit aux Créac'h : " La semaine dernière, je m'étais mise à expliquer aux religieuses la Troménie des saints de Bretagne. Pour cela, j'avais fait une carte de la péninsule armoricaine et y avais tracé le parcours des vieux saints. On les avait même figurés sur les petits cartons que voici et qui seront à Joëlle. Pour nous unir aux fêtes de Saint-Pol et nous faire plaisir, bien sûr, la cuisinière avait fait des crêpes ! Crampouès ! "

Cette année- là, Célestine quitta Londres le 25 août pour Paris et rentra en Grande-Bretagne le 12 septembre. Puis, manifestement, elle se rendit à Hawaii. En témoigne la revue provinciale des Sœurs des Sacrés-Cœurs, the Shea Shield. Une page complète du journal reproduit ce souhait : "Holiday greetings to Ma Mère, Reverend mother Marie Gertrude, our parents." Et c'est signé The faculty & student body alumnae and frieds of Sacred Hearts Academy. Plusieurs dessins au fil des pages saluent la nouvelle venue de la part des élèves. Mother Marie Gertrude signe elle aussi une page ainsi conçue : My first Christmas Aloha to Reverend Mother Provincial, the Faculty and Student Body, the Parents of our pupils, our Alumnae exterior associates and the friends and benefactors of Sacred Heats Academy. Plus loin, elle adresse aussi ses vœux a mère Brigid Mary et toutes les sœurs de Weymouth. Encore plus loin, un poème, signé La Rédaction, est didié à Madame Yves Créac'h :

A vous nos fleurs, nos vœux sincères / Pour Noël et le Nouvel An / A vous les ferventes prières / De tous nos cœurs reconnaissants/ / Faites-en part à la famille / qui orna le bel Hawaii / De la douce étoile qui brille / Dans le ciel de Kaimuki.

Insaisissable Célestine ! En 1952, lors d'un acte notarié, elle est dite demeurer au 35, rue de Picpus à Paris. Jeanne Le Sann, en religion sœur François Célestin, lui sert de témoin. En décembre 52 et janvier 53, elle est en tout cas à Hawaii où elle signe l'édito de The Sha Shield. Prayerful Christmas and New Year's Greetings to the Reverend Mothers, Sisters, Novices, Postulants ans Esterior associates of the Princ of Hawaii, to the pupils of our schools and their parents, to our dear Alumnae, to Everyone of SHA and to all my friends in the paradise isles ans abroas. Oui, insaisissable Célestine qu'une photo représente à Boston en 1953. Une autre nous la montre au pied de la passerelle d'un avion long-courrier à Honolulu en 1954. C'est l'année où elle offre à sa mère un livre illistré d'images d'Hawaii et de vers sur les beautés du pays. La dédicace : A Madame Yves Créach, Aloha de vénération et de gratitude. Ses nombreux enfants de Kaimuki, Hawaii, Océanie. Les poèmes ? Charmante Océanie / Pays baigné d'azur/ Et bercé d'harmonie / Sous un ciel toujours pur.

En décembre de cette année-là et en janvier 1955, Mother Mary Gertrude renouvelle ses vœux dans The SHA Shield et en reçoit de même.

Du 13 au 19 décembre 1956, le croiseur Jeanne d'Arc et l'escorteur La Grandière font escale à Hawaii. Le navire école est commandé par Claude Burin des Roziers. Le 16, l'institution de Célestine reçoit les 900 marins pour qui des danses sont données. Elle reçoit une médaille souvenir conservée dans la famille.

En 1959, la congrégation fête un siècle de présence à Hawaii. Un journal catholique américain, The Anchor, daté du 23 avril, signale l'événement en prenant des libertés avec le cursus exact de Célestine : " Quatre membres de la congrégation des  Sacrés Cœurs, anciennement de ce diocèse, ont assisté aux cérémonies d'Honolulu célébrant le centenaire de l'arrivée des sœurs de la congrégation à Hawaii. Il y avait : Mère Mary Gertrude, SS. CC. jusqu'en 1952, membre du corps professoral de l'Académie des Sacrés Cœurs, Fairhaven, maintenant mère provinciale de la province d'Hawaii, Père Octave Igodt, curé jusqu'en 1945 de l'église des Sacrés Cœurs, nord de Fairhaven, Père Adrien Van Tilburg, depuis 1947 assistant à Saint-Joseph, Fairhaven, Père Philemon Lefevre, depuis 1948 administrateur de Saint-Boniface, New-Bedford. Père Lefevre est maintenant aumônier de l'hôpital Saint-Francis, Honolulu. La sœur et les prêtres assistaient à une messe pontificale solennelle célébrée dans la cathédrale Notre-Dame de la Paix, Honolulu. Parmi les autres présents, le père Henry Systermans SS. CC. supérieur général des pères des Sacrés Cœurs et Mère Zenaïde Lorier, supérieure générale des sœurs des Sacrés Cœurs...." Un album-souvenir fut édité, illustré de nombreuses photos où apparaît souvent Célestine, aux côtés de la supérieure.

 Le 11 octobre 1959, à Rome, Célestine reçoit des mains du pape Jean XXIII la croix du missionnaire. Elle dirige alors Saint-Anthony's home dont voici l'historique puisé sur le site même de l'institution :

Voici plus de 100 ans, Mgr Libert Boeynaems achetait environ 124 acres dans la vallée de Kalihi dans le but d'ouvrir un orphelinat. Mgr Libert demanda aux Sœurs des Sacrés Cœurs de Jésus et de Marie de gérer cette maison pour enfants. En 1909, les sœurs accueillent 12 filles.

La communauté comprenait Sœurs Marie Bernaette, Fabia et Marianik, avec Mère Alexandrine  pour supérieure. L’orphelinat Saint-Antoine était plus connu sous le nom d’orphelinat Kalihi jusqu’à la fin des années 1940. Au fil des ans, de généreux bienfaiteurs et des organisations communautaires - civiques et militaires - ont contribué à l'agrandissement et à la rénovation de cette institution ainsi qu'à la mise en valeur de ses terrains. Le service rendu par St. Anthony Home à la collectivité en tant que foyer d’accueil a cessé dans les années 60.

Sœur Marie Gertrude, en réponse au besoin de l’Église en la matière de retraite, a converti l'orphelinat St. Anthony en une structure de retraite en 1974. Le Centre a été agrandi entre 1999 et 2008 avec des chambres privées, des chalets, une salle à manger et des salles de conférence. Aujourd'hui, le Centre de retraite St. Anthony continue d'être un lieu accueillant pour ceux qui recherchent le silence, la tranquillité et la paix intérieure. Le Centre offre des expériences individuelles de retraite de groupe et dirigées.

Voici un autre historique tiré de la page Facebook du centre de retraite St. Anthony :

Au début des années 1900, Bishop Libert, SS. CC., et certaines sœurs des Sacrés-Cœurs ont eu de la compassion pour certains enfants qui n'avaient personne pour s'occuper d'eux et ont acheté ce terrain dans la vallée de Kalihi.

L' orphelinat St Anthony a été ouvert le 3 septembre 1909, il y a 111 ans. Les sœurs ont éduqué les orphelins et leur ont enseigné les compétences pratiques de base.

En 1960, lorsque l'État d'Hawaï a décidé que les enfants défavorisés devraient être pris en charge dans des familles d'accueil, l' orphelinat St. Anthony est devenu la maison St. Anthony. Soeur Mary Gertrude, SS. CC., pour répondre aux besoins des jeunes enfants a établi une école maternelle.

Dans les années 1970, sœur Mary Gertrude, SS. CC., a commencé la transition de la maison en centre de retraite. La maternelle a été fermée en 1984.

Aujourd'hui, de nombreux membres de l'église locale et internationale, des étudiants viennent en retraite à Saint-Anthony. L'an  passé, on en a compté 8,690.

De temps à autre, les anciens orphelins viennent nous rendre visite et certains d'entre eux nous appellent. L 'année dernière et encore cette année, le jour de la fête saint Antoine, le 13 juin, l'un des anciens orphelins a appelé de Californie pour remercier les sœurs Sacré-Cœur. Hier, un autre a demandé s'il pouvait revenir s'y promener et revoir la chapelle du Sacré-Cœur.

A Honolulu, Célestine reçut la visite de la Jeanne et ainsi de son cousin Alain Le Sann, médecin de marine, de l'amiral Amman. Une Saint-Politaine, Anne-Marie Priser, liée à Kergompez, alla également la saluer...

La Sainte table...

Célestine fit plusieurs voyages à Rome. On l'a vue en 59. Elle y est à nouveau en décembre 1968 où elle remet à une certaine mère Yvonne un souvenir destiné à Joëlle Créac'h. Elle revenait régulièrement à Kerhoant. Elle fut notamment du mariage de la benjamine des sœurs Créac'h, le 27 décembre 1979, jour de tempête. Oui, elle revint jusqu'à la disparition de son frère Jean puis de sa belle-sœur, Louise. Elle revint encore en 1994 et séjourna à Notre-Dame-de-Kerbertrand, l'institution d'où sa sœur aînée m'adressait de longues lettres sur l'histoire de Kerhoant. De Quimperlé, elle vint nous voir à Ergué-Gabéric où nous habitions alors. Nous lui firent visiter la cathédrale Saint-Corentin. Avant de la consuire de Quimperlé à Saint-Pol. Rentrée à Hawaï, au pied de la montagne, elle nous adressa toutes ses pensées, curieuse de savoir si mes recherches progressaient. "Je joins une photo de notre maison de retraite dans la vallée, en dehors de la ville d'Honolulu, où tout est vert et tout est calme. Nous voilà en novembre, le mois des longues veillées. Je vous espère un bon temps d'hiver et une bonne santé à tous. De tout mon cœur, je vous dis au revoir et vous embrasse..." Elle nous écrivit encore : "A mon temps d'adoration, à la chapelle, je repasse tout le monde... Et Kerhoant, l'ancien et le nouveau, me restent toujours très chers... Même si l'on vieillit, le pays natal nous reste toujours le plus cher. Non seulement le pays, mais pour moi Kerhoant reste le lieu où s'envolent mes pensées et mon cœur". En janvier 1996, Saint-Anthony fut en émoi. Des sangliers sont encore descendus de la montagne pour faire irruption dans le couvent, effrayant sœur Simone-Marie et sœur Mary-Gertrude qui, en pareil cas, téléphone à des chasseurs. A l'aide de chiens, piégés dans une trappe, les cochons sauvages sont tués. Je ne pourrais pas en manger, jure sœur Simone-Marie. Je pourrais, assure Mary-Gertrude.

Célestine s'est éteinte à Hawaï le 13 septembre 2001. Ses funérailles furent célébrées le 22 à la chapelle St. Margaret Mary. A l'arrivée du corps, l'hymne We shall go up with joy retentit dans l'église. A la fin de la cérémonie, on chanta Celtic song of farewell. C'est ce traditionnel qu'interprête Sinéad O'Connor sous le titre de Oh Danny boy. Curieusement, j'ai toujours voulu que cette chanson soit donnée à mon propre enterrement avant de découvrir qu'il était été entendu à celui de Célestine. Après l'inhumation au cimetière Memorial park, un lunch fut servi a Paewalani, rue Wailele.

Date de dernière mise à jour : 19/02/2024

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