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Fêtes de Brest, 1865

Le 30/08/2023

Fêtes de Brest.

A monsieur le rédacteur en chef de la Liberté.

Brest, jeudi soir 24 août 1865

Monsieur,

On se souviendra longtemps du bal donné aux officiers de l'escadre anglaise par la marine et la guerre, sur le vaisseau la rille-de-Lyon. La fêle devait avoir un cachet maritime et militaire, et les administrateurs, en
le lui conservant, ont su la rendre féerique.

Le vaisseau, complètement mâté, était amarré ei l'entrée du port militaire au milieu du chenal de La Penseld. Pour y donner accès par le quai, on avait construit sur des pontons une large passerelle garnie de lapis
de pied et entourée de toiles à voiles symétriquement ornées d'étamines a pavillons. A l'extrémité de la passerelle on montait un escalier et l'on entrait dans le vaisseau par les sabords de la galère. Les appartements
du commandant avaient été transformés en salons de réception et en cabinets de toilette, i1 se tenaient des ouvrières mises à la disposition des dames. La salle de bal était sur le pont couvert d'une tente élevée. En y pénétrant, le regard embrassait un ravissant tableau : Sur tout le pourtour deux doubles rangs de gradins étaient occupés par plus de 700 dames; 40 lustres, dont chacun était chargé de 50 .grosses bougies, projetaient leur lumière sur de riches et élégantes toilettes. Les lustres étaient uniquement composés d'armes brillantes en .usage dans la marine.

On avait prodigué les lumières; vingt milles bougies environ répandaient dans toutes les parties du navire un éclat éblouissant. Le long des bastingages éclatait une ligne de feu projetée par des baïonnettes qui réfléchissaient les bougies placées dans leurs douilles; en arrière étaient les hamacs de l'équipage arrimés comme à la mer. On avait dissimulé les énormes mâts par de la verdure, par des fleurs, par des branches au milieu desquelles
brillaient de petits lustres formés par des canons de fusil, de baïonnettes, de sabres, de pistolets et de poignards, le tout entremêlé de faisceaux de drapeaux aux couleurs de France et d'Angleterre.

Au centre, à la place des cheminées de la machine, on aperçoit une corbeille garnie de fleurs, élevée de plusieurs mètres, et dans laquelle était assis le corps de musique des équipages de la flotte, exécutant des quadrilles, des valses, des polkas, etc. Sur le fronton de la corbeille et dans un enfoncement soutenu par des colonnades, se tenaient immobiles, appuyés sur leurs fusils, quarante pupilles de la marine qui, d'heure en heure, se relevaient.

A l'avant du vaisseau, contre le mât de misaine, on avait dressé une irrimense panoplie, formée d'espingoles et d'autres armes du bord, brillante et arrangée avec un art merveilleux. Des aigles et des palmiers, entièrement faits d'armes, décoraient aussi cette partie. Le dessus de la dunette attirait agréablement l'attention ; il était transformé en un épais bosquet avec jet d'eau, où les danseurs venaient chercher un abri contre la chaleur.
Jamais on ne tira si bien parti d'un espace relativement étroit en élargissant la perspective comme par magie.

En descendant du pont dans la batterie haute, on trouvait réunis le luxe de salon et la sévérité militaire. L'éclairage était entièrement supporté par des armes de combat.
Entre les canons, on avait ménagé d'élégants sofas semi-circulaires. Deux buffets magnifiques étaient dressés aux deux extrémités.

Enfin, la batterie avait été réservée pour le souper. Même splendeur de décors que sur le pont et à la batterie haute. Les tables, de chaque côté, avaient une longueur de 80 mètres.

Plus de 3,000 personnes étaient réunies sur la Ville-de-Lyon. Il y avait donc foule, mais pas encombrement. Les mesures avaient été si bien prises, l'espace était si bien ménagé, qu'on circulait avec facilité. L'aération était
parfaite.

Les invités, les Anglais surtout, étaient émerveillés. La haute société britannique, on le sait, est habituée à tous les raffinements du luxe et du comfort; mais ici, le luxe était d'un goût si original et si gracieux à la fois,
il semblait tellement qu'une magicienne avait transformé la Ville-de-Lyon, que les nobles hôtes de la France ne se lassaient pas d'admir.er avec ravissement.

Le bal a commencé vers 10 heures. Entre les deux portes de la dunette, donnant accès à la salle de bal, les sièges d'honneur étaient occupés par la marquise de Chasseloup-Laubat, par la comtesse de Gileydon, par la duchesse Clarence Pagct. Près de ces dames, on remarquait- M. le ministre de la marine, le duc. de Sommerset, l'amiral Dacres, M.Dupuy de Lôme et d'autres personnages. Le bal a été fort animé, et il a continué sans interruption jusqu'à 6 heures du matin.

A une heure, la salle du banquet a été vouverte pour les officiers anglais et pour les dames qu'ils accompagnaient. Ils s'empressaient d'offrir le 'bras à leurs danseuses.
Après eux, tous les autres invités ont eu leur tour. Jamais on ne vit plus de profusion unie il plus de délicatesse. Les vins étaient de choix et les hôtes de la France ont prouvé qu'ils sont fins connaisseurs.

Cette fête, l'une des plus brillantes qui eussent jamais été données, a été parfaite a tous égards, et les honneurs en ont été faits avec une exquise politesse. La carte à payer sera un peu chère; on dit que l'addition
pourra bjen monter à 400,000 fr.

Sauvez les sites Orange

Le 30/07/2023

On estime à 40.000 le nombre de sites de généalogie hébergés chez Orange. Ils sont gérés bénévolement tant par des associations que des particuliers. Or, cette prestation qu'Orange nous fait payer dans notre abonnement va être supprimée le 5 septembre 2023. Après une augmentation de tarif, il y a peu, voilà donc que l'on a moins de services pour des prestations de plus en plus chères.
La réalisation d'un site internet représente un travail colossal pour la plupart d'entre nous.
Pour ma part, c'est mon site consacré au baron de Vastey, ce fils d'un colon normand, idéologue de la révolution haïtienne, qui sera détruit en septembre ainsi qu'un blog  consacré à feu mon ami le chanteur Mac Trevor Crozier.

Une petition qui peine à s'étoffer a été lancée. Si vous voulez bien vous montrer solidaires des Webmasters, c'est par ici : LIEN

Qui connaît ce dicton

Le 19/07/2023

Tiens, Joëlle Créac'h vient de se souvenir d'un dicton qui se disait jadis à Kerhoant :

Te zo sot ha me zo fin

Te bo dour ha me bo gwin…

Quelqu'un a une variante ?

Le crâne baladeur identifié !

Le 11/07/2023

Boites à crânesIntrigué par cet article paru en 2020 dans le Télégramme et que j'ai découvert voici peu, je suis parvenu très vite à identifier ce Claude Créac'h au crâne baladeur. Il est né en 1760 et mort en 1819. Il tenait avec son frère le manoir et le moulin de Kerhoant. Claude Créac'h était le cousin germain du recteur de Saint-Pol-de-Léon, Elie-Joseph Corre, lui aussi natif de Kerhoant. Né sous l'ancien régime, Claude prit une part active à la Révolution, ainsi que son frère qui fut même un élu du peuple, mais les deux hommes s'éloignèrent très vite des instances locales. Tandis que les Bleus pourchassaient Mgr de La Marche et son clergé, le recteur de Saint-Pol fut un temps caché à Kerhoant dans un réduit aménagé derrière une cloison. Il se situait dans une chambre à l'étage et le souvenir de cette cachette est parvenu jusqu'à nous.

Les deux frères Créac'h épousèrent deux sœurs Caroff qui leur donnèrent à chacun une demi-douzaine d'enfants. Deux fils de Claude furent aussi conseillers municipaux et son petit-fils, prénommé comme lui, fut même le tout premier maire républicain de Saint-Pol, bastion royaliste.

Tous les patrons de Kerhoant portaient le prénom de Claude de père en fils. Celui qui nous intéresse est le second du nom. C'est par la même occasion le trisaïeul de mon épouse, Joëlle Créach, née elle aussi au manoir de Kerhoant. Je ne sais quand le reliquaire de Claude Créac'h trouva place sur l'une des trois "étagères de la nuit", selon l'expression de l'abbé Yves-Pascal Castel, historien du Léon.

Conférencière, Oanell Diaz rappelle ainsi cette curieuse coutume : "À la fin du XVIIIe siècle, l’évêque interdit l’inhumation dans l’église et une nouvelle pratique s’imposa pour libérer le cimetière environnant. Après cinq ans, une fois les chairs décomposées, le crâne du défunt était prélevé et déposé dans une boîte. Elle était alors remise à la famille ou déposée sur les étagères." De couleur sombre, surmontées d'une petite croix et percées d'une ouverture en forme de cœur, les quelques 35 boîtes à crâne de Saint-Pol constituent la collection la plus importante qui soit dans ce domaine. Hamon Barbier, riche prébendier qui fut à la fois seigneur de Kerhoant et de Kerjean y côtoie ainsi les Léonards les plus modestes. Cette collection est classée au titre des monuments historiques.

En 1984, un premier crâne, sans sa boite fut volé. En 1985, c'était au tour du reliquaire complet de Claude Créac'h. Je serais curieux de connaître le contenu du billet qui accompagna son retour dans la cathédrale 35 ans plus tard.

Laurent QUEVILLY.

Le fils d'une Querhoënt...

Le 18/05/2021

Joseph de Tarragon, naquit le 12 mars 1870 au château des Minières, commune d’Azé en Vendômois ; il était le plus jeune fils d’Ernest, comte de Tarragon, et de Félicie de Querhoent.
Par son père, il appartenait à une vieille et noble race militaire, d’origine espagnole, mais établie en France au cours de la guerre de cent ans, vers 1423.
Par sa mère, il tenait aux meilleures maisons de l’ancienne chevalerie bretonne.
Avec un pareil atavisme de soldat, J. de Tarragon ne pouvait guère avoir d’autre vocation que celle des armes. Bon sang ne saurait mentir !
Aussi, dès qu’il fut bachelier, se prépara-t-il à subir les examens d’entrée à l’Ecole spéciale militaire. Mais comme il désirait ardemment l’arme de la cavalerie et qu’il ne se sentait point assuré de l’obtenir à Saint-Cyr, il se ravisa bientôt, changea d’orientation et s’en gagea au 10e régiment de dragons, à Nantes.
Il y conquit rapidement ses premiers galons et se présenta à l’Ecole de cavalerie de Saumur.
Son examen de sortie lui conféra l’épaulette.
Nommé sous-lieutenant au cuirassiers à Tours, il passa ensuite au 20° chasseurs à cheval, à Vendôme, en qualité de lieutenant et fut enfin promu capitaine en 1911 au 22 e régiment de dragons, à Reims.
En 1904, il avait épousé Mlle Marie de Valdahon, fille du comte de Valdahon et de la comtesse, née de Romée de Fresquienne (descendante de la famille de Jeanne d’Arc).
Il en eut quatre enfants, Robert, Richard, Xavier, Béatrix. D’extérieur séduisant et martial, avec sa haute taille, son regard clair, sa physionomie franche et sympathique, sa belle tête solidement plantée sur cle larges épaules et barrée de longues moustaches blondes, il réalisait en toute sa personne une magnifique silhouette d’officier français.
Beau et bon cavalier, tireur remarquable, plein d’entrain et de bonne humeur, il gagnait vite le cœur de ses camarades et l’attachement de ses subordonnés.
Qui dira, d’autre part, la chaude affection qu’il témoignait à tous ses proches et qu’il entretenait si particulièrement dans son cher foyer familial ?
C’est de tout cela que sont faits nos souvenirs... C’est de tout cela que sont faits nos regrets.
Mais à ce vaillant, nous devons plus que des souvenirs... plus que des regrets, nous devons un tribut d’admiration, car son glorieux trépas le grandit à la taille des anciens preux.
Suivons-le dans les rudes étapes de son poignant calvaire. Parti de Reims aux premières heures de la guerre, le capitaine de Tarragon entre en Belgique, le 6 août 1914.
Pendant 14 jours, il exécute des reconnaissances hardies, cherchant obstinément le contact de l’adversaire, et donne vigoureusement la chasse à la cavalerie allemande qui partout et toujours se dérobe au contact.
Mais, voici que tout à coup, les masses ennemies se ruent sur la Sarnbre en une trombe formidable. Il faut rétrograder, la rage au cœur.
13e Gembloux (20 août 1914), le 22 e dragons gagne successivement les régions de Bonsignies, Cambrai, Péronne, pour aboutir en fin de compte aux Boges-eu-Josas, près Versailles, oû il se repose quelques jours.
Pourtant les événements se précipitent. Paris est menacé. La France meurtrie, violée, vit une des phases les plus tragiques de son histoire.
Embarqué le 6 septembre à Versailles, le régiment tombe en pleine action dans la forêt de Villers-Cotterets. La bataille de la Marne est engagée.
Le 8 septembre, il reçoit la délicate mission d’enlever un convoi en nemi. Mais cette opération audacieuse, sans doute éventée par l’adversaire, devait être fatale à nos cavaliers.
Bientôt encerclés et traqués dans les forêts de Villers-Cotterets et de Compiègne, les braves dragons se voient contraints d’errer pendant trois jours dans les bois et finalement de passer sur le corps des fantassins allemands pour échapper aux mailles ennemies qui les enserraient de toutes parts.
Ca charge de Gilocourt fut un des épisodes les plus angoissants de ces inoubliables journées.
Au cours de cette galopade héroïque, le cheval du capitaine de Tarragon s’abattit connue une masse, étant blessé à mort. Quoique pris sous sa monture, le vaillant officier ne perdit rien de son sang-froid ni de sa mâle énergie.
« Je passe à côté de lui, écrit Christian Mallet ; je ne le vois pas, mais je reconnais sa belle voix de commandement qui nous crie : « Chargez mes enfants... Chargez à fond. »
Je ne sais par quels prodiges d’astuce et d’audace, notre capitaine parvint ensuite à se tirer d'affaire, à se soustraire aux mains des soldats teutons et à s’échapper enfin à la faveur de la nuit.
On lui fit fête quand on le vit tout-à-coup paraître à Verberie où il réussit à rejoindre les débris de son régiment si lamentablement éprouvé.
Cependant, notre prodigieuse victoire de la Marne, créait une situation nouvelle et l’état-major prussien, déçu de ce côté, tentait alors un coup de force vers la mer.
En conséquence nos corps de cavalerie durent gagner, en toute hâte, le nord de la France pour s’opposer coûte que coûte à cette reprise d’offensive.
Ce 25 septembre 1914, le capitaine de Tarragon exécute une audacieuse reconnaissance sur la localité de Chocques.
Ce 8 octobre, son escadron combat à pied pour défendre le pont d’Estaires.
Ce 17, il rentre en Belgique par Bailleul et Cocre.
Et voici que le 19 octobre, les dragons reçoivent l’ordre d’arrêter à tout prix la marche des Allemands qui prononcent une violente démonstration dans la direction de Calais. Il faut que la résistance des cavaliers donne à l’infanterie le temps d'arriver sur le champ de bataille.
L’heure de l’immolation suprême allait sonner !
Je ne puis mieux faire que d'emprunter ici la relation même d’un des témoins oculaires de cette mort héroïque, M. le lieutenant Christian Mallet qui était alors sous-officier du.capitaine de Tarragon.
Ce 20 octobre 1914, les masses ennemies, de plus en plus nombreuses, exerçaient une pression toujours croissante contre le barrage si faiblement étayé de nos cavaliers à pied. Les dragons tinrent avec une magnifique ténacité, malgré l’insuffisance de leur armement (lances et carabines). Mais de quels sacrifices ne durent-ils pas payer leur sublime et patriotique dévouement !
« Enfin, écrit Christian Mallet, voici que l'infanterie française entre en ligne ; il était grand temps que ce secours arrivât, car les cavaliers décimés, contenaient avec peine les furieuses attaques des colonnes ennemies. Bientôt on communique aux dragons l’ordre de se replier. L’opération était délicate, car nous étions serrés de si près que nous pouvions craindre d’être cernés d’un moment à l’autre. Il fallut donc rompre par échelons successifs.
« C’est alors que je vis paraître le capitaine de Tarragon à la croisée des chemins. Je le vois encore ! ... Il semblait immense dans son grand manteau bleu.
« Sans parler, il nous fit signe que nous pouvions nous retirer, il n’y avait pas tin instant à perdre. Mon peloton détale au pas de course et dépasse le capitaine, mais personnellement je m’arrête auprès de lui et je reste à ses côtés, avec mon camarade Magrin.
« Tous trois nous nous acheminons vers une ferme située près de la crête et derrière laquelle nos unités se regroupaient.
« Les lignes allemandes nous suivaient à courte distance et se rapprochaient de plus en plus.
« Un dragon retardataire passe en courant près de notre petit groupe, le capitaine lui arrache sa carabine des mains et se retourne pour tirer sur l’assaillant.
« La riposte ne se fait pas attendre et les balles sifflent à nos oreilles, nous rasant de près et criblent les tuiles de la ferme.
« J’implore le capitaine de ne pas s’exposer davantage.
« A quoi bon cette folie héroïque de vouloir tenir seul devant tout un bataillon ennemi ! Mais la haine de l’Allemand semble gronder dans son cœur et il me répond : « En vérité, ce serait trop dommage d’abandonner une pareille cible. » Pourtant, ayant épuisé ses cartouches, le capitaine se décide à rétrograder tranquillement, sans courir, défiant le monde entier de sa haute taille et de sa carrure de beau soldat. Mais au lieu de suivre le fossé qu’avaient utilisé ses hommes, il traverse en plein feu.
« Je le suis sans comprendre. Magrin est là aussi. Enfin, sur notre prière et sous l’avalanche des balles, le capitaine consent à chercher un abri momentané derrière un arbre qui peut nous masquer tant bien que mal. Mais à peine touche-t-il au but qu'une balle l’abat brutalement sur le sol, il roule avec moi dans le fossé, Avec l’aide de Magrin, je cherche à le soulever pour l’emporter, mais hélas ! nous n’y pouvons parvenir à cause de son trop grand poids. Je vois ses paupières battre une dernière fois... puis sa tête retombe lourdement en arrière, molle, exsangue et désormais sans vie. »

Ce récit d’un témoin est suffisamment éloquent dans son impressionnante simplicité, pour se passer de tout commentaire.
Conservons pieusement le souvenir de ce héros qui, ne pouvant plus combattre, voulut alors donner à ses hommes un dernier et magnifique exemple de sang-froid, de vaillance et de suprême mépris du danger.
Une telle mort enrichit singulièrement l’héritage d’honneur d’une famille et même celui d’une nation.
La dépouille mortelle du comte J. de Tarragon, capitaine au 22° dragons, mort au champ d’honneur en combattant pour la France, repose aujourd’hui en terre belge, à Staden.
La triste fosse est surmontée d’une croix et d’un casque de dragon

Extrait d'une Contribution biographique et nécrologique à la mémoire du Comte de Turragon par le Lieutenant-Colonel A. de Tarragon. Mémorial de guerre de l'École Notre-Dame-des-Aydes et du Cours Saint-Louis : 1914-1919 /Huré, Paul (1860-1944).

Le sourcier de Saint-Pol

Le 17/05/2021


Nous devrions dire le sorcier, et ma fois puisque le mot est lâché, nous ne rétracterons pas. Ne s'agit-il pas, en effet, d'une vraie sorcellerie, d'unc véritable magie, ce pouvoir mystérieux qu'ont certaines personnes, très rares d'ailleurs, de découvrir l'eau dans un endroit donné.

M. François Tannou. qui a bien voulu nous accorder une petite interview, est né à Lannion. Il v a longtemps qu'il habite notre commune. Pour notre part, il y a bien quinze ans que nous le connaissons.
Après avoir été gardien et régisseur de la propriété de Kersaliou, située à un kilomètre de notre ville, sur la roule de Roscoff, il est venu se fixer à Saint-Pol-de-Léon, dans une maison située rue de Penmeur et qui lui appartient, après que le manoir de Kersaliou fut vendu par la famille de Gouyon de Beaufort.

 M.Tannou a 60 ans. Il n'a jamais exercé à titre professionnel, son  talent d'hydroscope ou d'hydroloque, comme on voudra. II nous déclare qu'il n'a jamais eu l'occasion de connaître d'autres personnes possédant le même don que lui. (...) Il emploie, comme tous les sourciers, une petite fourche de bois vert, soit de coudrier, soit de chêne, le bois importe peu pourvu qu'il soit vert et solide. Il place la fourche sur le haut de sa poitrine et serre énergiquement chacune des branches dans chaque main.
Lorsqu'il arrive sur un point où il existe une nappe d'eau souterraine coulant (les stagnantes ne se révèlent pas), soudain il s'arrête, une icontraction des mains se produit, la fourche s'abaisse et il dit : « c'est là ». On creuse et on trouve de l'eau. Ses succès sont très nombreux et il nous cite plusieurs endroits de Salnt-Pol et de Roscoff où il a découvert de î'eau et il nous dit que nous n'avons qu'à nous renseigner près des propriétaires qu'il nous indique.

Un jour, il est appelé près de Saint-Pol par un ami, cultivateur, qui voulait faire creuser un puits,  il indiqua un endroit. La femme du cultivateur lui dit : " Vous devez vous tromper, car on a extrait des pierres là et on n'a pas trouvé d'eau. " M. Tannou paria 100 francs qu'il  y en avait, et son diagnostic se confirma.
M Tannou ne peut s'expliquer le phénomène, il le constate. simplement, et en a vérifié l'exactitude bien souvent. Il faut être doué et avoir une foi absolue dans le procédé. Voilà tout, ce qu'il a pu nous dire au sujet de cette questions si troublante et si mystérieuse de l'hydrosopie.

Paul Feillet.

12 ans pour du grain !

Le 05/05/2021

La Justice sous Napoléon. — Matricule 5762, le 29 fructidor de l'an 12 (26 septembre 1804). Yves Sparfel, fils de feu Yves et de feue Marie Lichoux, natif de Plounévez, département du Finistère, domicilié à Tréflez, marié à Anne Appéré, cordonnier âgé de 27 ans, taille de 1,57 m, cheveux et sourcils bruns, barbe idem mêlée de roux, visage ovale, large du haut, marqué de la petite vérole, yeux châtains, nez long et gros, front large et bombé, une cicatrice sur le sommet de la tête côté droit, condamné à Quimper par la cour de Justice criminelle le 16 fructidor an 12 pour vol de grain en complicité dans une maison habitée et pendant la nuit à 12 ans de fer. Exposé le 21 fructidor an 12, mort le 2 floréal an 13 (22 avril 1805).

La noblesse de Plougoulm en 1481

Le 26/04/2021

Vue par Louis Le Guennec

(La Dépêche,  19 juin 1933)

Limitrophe au nord-ouest de Plouénan la belle paroisse côtière de Plougoulm (anciennement Ploecolm ou Ploegolm, du nom celtique de Saint Columba, l'apôtre et le héros de la Calédonie qui en est l'éponyme et le patron), comptait un peu moins de maisons nobles que sa voisine. Elle présenta à la montre ou revue militaire de l'évèché de Léon, tenue a Lesneven en 1481, un contingent de 22 combattants, dont une seule lance. Il faut remarquer que son plus riche gentilhomme, Thomas de Kerazret, n'y figure point, étant lui-même commissaire de cette montre et prévôt ce l'hôtel du duc. Il fut aussi capitaine de Brest et guerroya sur mer contre les Anglais et les Français. C'était l'arrière-ueveu d'un évêque de Won en 1411, Alain de Kerazret. Quelques débris du manoir gothique de Kerazret subsistent près de la mer. Les anciens « aveus » mentionnent un caveau voûté, qu'on e retrouve plus.

Thomas de Kerazret mis a part, le noble le plus considérable de Plougoulm était alors Jehan de Pontplancoet, seigneur du dit lieu, qui jouissait de 200 livres de rente. Il comparut en « lance »,
c'est-à-dire couvert d'une cuirasse com«lète de chevalier et escorté d'un « coustilleur » et d'un page. Son manoir s'aperçoit au sommet d'une colline, à droite du pont de Saint-Yves, sur la route de Saint-Pol à Plouescat. La très modeste apparence de ses bâtiments avait déjà déçu Fréminville mais il faut croire que les anciennes constructions offraient une ordonnance plus imposante.

Au second rang venait, avec ses 132 livres de rente. Hervé Kenechgrizien, seigneur du dit lieu, Etant malade et empêché, il se fit remplacer par deux voulgiers en brigandine, Maurice et Hervé Le Moyne, probablement frères cadets ou cousins de son gendre Alain Le Moyne, seigneur de Trévigné en Plounéour-Trez. Le manoir de Crechizien (telle est la forme moderne de ce nom) n'a de remarquable que les vestiges des fortifications de son portail et sa très haute cheminée,

Yvon Le Moyne, seigneur de Ramlouch, possédait un revenu de 80 livres. Il fit, montre en archer en brigandine à 2 chevaux, bras couvertz. Ses armoiries : un croissant accompagné de 3 coquilles, sont encore reconnaissables sur la porte du vieux manoir de Ramlouch, plus lard transmis par alliance aux Kertroadec de Tromanoir, puis possédé par les Parçevaux et les Marigo de Keramel.

Le seigneur du Dourduff, Hervé du Boys, était nanti de 72 livres de rente. Il ne comparut point; on l'excusa, parce qu'il servait « sous la lance » du sire de Kermavan capitaine du ban et arriére-ban de l'évèché. Il avait au Dourduff, dans la vallée du Guillec, un beau manoir que les Le Jacobin de Keramprat possédèrent ensuite, mais où l'on ne rencontra plus rien d'ancien, sauf le moulin féodal solidement bâti de granit.

Le seigneur de Keroulaouen, Guillaume Kercoent, accusait un revenu à peu près égal, 70 livres, et se présenta rn même équipage que le propriétaire de Ramlouch. Son petit manoir est un type intéressant de ces humbles gentilhommières du XVe siècle qui ne comprenaient que deux pièces principales, la salle-cuisine du rez-de-chaussée et la chambre de l'étage. Les valets couchaient dans la première, les maîtres dans la seconde, à moins que ce ne fût tout le contraire...

Hervé du Stang ou de l'Estang était riche de 65 livres de rente, ce qui lui imposait l'obligation de servir, comme les précédents, en archer à 2 chevaux. Il ne faut pas confondre cette famille de l'Estang avec son homonyme, les de l'Estang du Rusquec, originaires de Plougar et de Plouvorn. Les armoiries d'Hervé : d'azur à deux carpes d'argent posées en fasces, témoignent du penchant qu'éprouvaient ses ancêtres pour les joies paisibles de la pêche à la ligne, dans cet agreste vallon de l'Horn où le moulin du Stang est devenu au XIXe siècle une usine à serancer le lin.

Le possesseur du manoir de Kerautret, Alain Tuonélorn, n'avait déclaré qu'un modique revenu de 60 livres, et servait en archer à 2 chevaux. Il habitait pourtant une vraie maison-forte, capable de repousser l'attaque d'un parti de pirates anglais avec son portail à mâchicoulis, sa tourelle d'angle percée d'embrasures, et son majestueux donjon accosté d'une échauguette. Dans la chapelle seigneuriale de Kerautret, en la cathédrale de Léon, le tombeau de sa famille est décoré d'un écusson ayant pour timbre une étrange « morgane » nue qui peighe sa chevelure devant un miroir. Au devant se trouve la pierre tombale, à effigie gravée au trait, d'un des fils d'Alain-Christophe Tuonélorn, qui fut chanoine de Léon et recteur de Plougoulm. La devise des Tuonélorn était le mot breton Martézé (Peut-être). Au manoir de Kerautret, le portail fortifié et la base de la grosse tour ont survécu à de déplorables démolitions.

Le seigneur de Rusunan, Jehan Coetelez et Jehan Guillaume font encore quelque figure, grâce à leurs 44 et 40 livres de rente. Je ne connais pas la seigneurie de ce dernier, qui montra du zèle en servant en voulgier à 2 chevaux, tandis que Jehan Coetelez n'utilisait qu'une unique monture. Ensuite, nous tombons dans la classe des petits hobereaux, dont la médiocrité finit par friser l'indigence. Deux nobles dames, Béatrix Le Ny et Marguerite Kernonnen, demoiselle du dit lieu, avaient 30 et 20 livres de revenu. La première se fait représenter par Pierre, avoué (bâtard) de Saint-Georges en Plouescat, l'autre par Jehan de l'Estang.

Yves Kergoulaouen (25 livres), Olivier Launay, seigneur de Kerguiduff (15 livres), Jehan Kenechgrizien et Hervé Kerlezroux (10 livres), Olivier An Mouster (5 livres), Jehan Helleau, seigneur de Bourrapa (6 livres) n'étaient point, malgré l'ancienneté de leur race, des aristocrates bien dorés. Du reste, Olivier de Launay négligea de comparaître, ainsi que Maître Maurice Kergouanac, dont les
moyens se limitaient à une minuscule rente de 100 sols. Hervé Kerverault n'en possédait pas davantage. Il tint cependant à « faire montre » et, en raison de sa minorité, présenta pour lui Tanguy Kerverault, « voulgier en jacque ». Le jacque était un paletot de cuir bien matelassé, qui mettait son porteur, dans une certaine mesure, à l'abri des coups. Cette armure rustique fut également l'équipement du plus gueux des gentilshommes de Plougoulm, Nicolas Philippes, à qui tous ses domaines rapportaient par an la forte somme de 60 sols.

La paroisse comptait encore plusieurs manoirs dont il ne m'a pas été possible d'identifier les possesseurs, tels que Poullesqué, Kervrenn, Kerdévez, le Marquez, la Palue, Keranfaro, Lanrivinen, Trédern. etc. Il est curieux de constater que la famille de Trédern n'existait pas encore en 1481, malgré ses prétentions d'une antiquité très haute, appuyées sur des pièces ridiculement fausses que devait élaborer à la fin du XVIIIe siècle le fameux Delvincourt. Que de généalogies mirifiques s'écrouleraient ainsi devant une simple confrontation avec le rôle d'une réformation de fouages ou une montre de paroisse, pièces officielles souvent négligées mais dont l'authenticité défie les titres les plus sompteux.

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