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Le marché d'hommes

Le 12/04/2021

La Dépêche, 8 avril 1907

Saint-Pol-de-Léon
L'ouvrier agricole au conseil municipal. — Il existe ici un marché ouvrier, plus connu sous le nom pittoresque de « marché d'hommes ».

Ce marché est si ancien qu'on ignore l'époque où il a commencé.

Il se tient, chaque matin, sur la place du Parvis.

Nous avons déjà exposé dans ce journal même la vie rude et précaire des « placenners ».

C'est un dur métier que celui d'ouvrier des champs du canton de Saint-Pol. Sa vie est réellement une épreuve, un long jour de fatigue. Ne le voit-on pas, l'été, debout à une heure, et au travail, de 2 h. 30 ou trois heures du matin à 8 h. 30 du soir !

Est-il, quelque part, une pareille dépense de forces ?

En ouvrant la séance extraordinaire, qui va leur être consacrée en grande partie, M. de Guébriant, maire, nous apprend que la municipalité s'était préoccupée, plusieurs fois, de la misérable existence de labeurs et d'inquiétudes du « placenner ». Sa besogne est excessive, son repos dérisoire.

« Il est urgent d'améliorer son sort », ajoute le maire.

Précisément, M. J.-M. Moal, un des deux conseillers récemment élus, avait écrit à M. de Guébriant à cet égard.

En attachant le grelot, il a fait une bonne oeuvre.

L'alfaire, très étudiée par M. le maire et M. Francis du Penhoat et Le Morvan, adjoints, est clairement exposée au conseil.

On vote d'abord sur cette question de principe : « Le marché ouvrier sera-t-il réglementé ? » Il est répondu « oui », à l'unanimité, non sans que M. Moal ait préalablement demandé le vote nominal.

« Dans une affaire de cette importance, a-t-il dit, chacun doit prendre publiquement la responsabilité du vote qu'il émettra. »

Le conseil décide ensuite, toujours à l'unanimité, que le marché se tiendra dans un local à déterminer.


Les halles sont choisies, à la majorité, après intervention de MM. de Guébriant, du Penhoat, Moal, Le Lez, etc.

MM. Créac'h et Kervellec, entre autres, auraient préféré dans l'intérêt des ouvriers, que leur engagement eût lieu, comme par le passé, sous le porche de la basilique ou sur la place du Parvis.

M. Créac'h, combattu principalement par M. Moal, a, sur ce sujet prévu ou soulevé des difficultés qui n'en seront point, à notre avis, devant l'arrêté municipal.

Celui-ci, conformément à l'avis des conseillers réglera ainsi l'heure d'ouverture du marché.

Du 1er avril au 15 octobre : quatre heures ;
Du 15 octobre au ler avril : 5 h. 30.
(Motion Joseph Macé).

M. Créac'h remarque que « c'est trop tard », ce qui provoque une hilarité à peu près générale. Elle recommence quand il propose quatre heures.

« A quelle heure fait-il jour en novembre, décembre, janvier et février ? queslionne-t-on de différents côtés. »

Exceptionnellement, pendant le temps de la fenaison et de la moisson, c'est-à-dire du 15 juillet au 15 septembre (proposition de MM. Le Lez et de conseillers ruraux), la louée aura lieu à 3 h 30.

M. le maire termine la discussion en déclarant qu'il tiendra la main à ce que les décisions prises soient exécutées.

Personnellement, dans une plaquette intitulée : « L'ouvrier agricole de Saint-Pol de Léon », nous avions, il y a deux ans passés, exprimé le désir de voir réglementer le marché ouvrier.

Aujourd'hui, c'est chose faite.

En la circonstance, le conseil municipal de Saint-Pol de Léon aura pour lui non seulement l'opinion publique, mais, ce qui est mieux, la conscience publique.

Une affaire de lettres anonymes

Le 11/04/2021

M. Paul Le Berre, 49 ans, bourrelier au Guern, en Guiclan, et sa femme, ont porté plainte pour dénonciation calomnieuse et insultes contre Mme Penguilly et sa fille, leurs voisines. Depuis
deux mois, Mme Penguilly et sa fille accusent Mme Le Berre d'avoir expédié des lettres anonymes au fiancé de Mlle Penguilly, M. Louis Le Faou, demeurant à Kerlidou, en Plouvorn, afin d'empêcher le mariage.

M. et Mme Le Berre se défendent énergiquement et affirment qu'ils ne connaissent pas M. Le Faou. De plus, le 31 décembre 1934, vers 16 heures, Mme Le Berre revenait de prendre de l'eau à une fontaine située à 200 mètres de son habitation quand elle rencontra Mme Penguilly qui l'insulta. Aux cris poussés par sa femme, M. Le Berre accourut et aurait été frappé d'un coup de croc servant à l'arrachage des pommes de terre, par Mme Penguilly. Quelques instants après, M. Le Berre aurait été grossièrement insulté par Mlle Penguilly.

Mme et Mlle Penguilly, bien qu'un témoin ait déposé contre elles, nient tous les faits que leur reprochent M. et Mme Le Berre.

Elles soupçonnent ces derniers d'être les auteurs des lettres anonymes parce que sur l'une de ces lettres, on invitait M. Le Faou à se rendre au moulin de la Villeneuve, en Plouvorn, où des
renseignements devaient lui être communiqués. Or ce moulin de la Villeneuve est habité par une soeur de Mme Le Berre.

Quoi qu'il en soit, la lâcheté de l'auteur des lettres anonymes aura provoqué des incidents pénibles entre deux familles honorablement connues. Souhaitons que le coupable soit découvert et châtié comme il le mérite.

La Dépêche, 7 janvier 1935.

La destruction du Moulin-Neuf

Le 10/04/2021

La Dépêche de Brest, vendredi 28 juillet 1933.

Dans la nuit de mercredi à jeudi, un incendie se déclara dans le moulin dit Moulin-Neuf, en Plougourvest, appartenant à M. Louis Siohan.
L'alarme fut donnée vers 23 h. 30, par le jeune garçon meunier et les premiers secours s'organisèrent difficilement. Le Moulin-Neuf est, en effet, très isolé ; situé sur le cours supérieur de l'Horn, la rivière de Plougoulm, à deux kilomètres du nord-est de Plougourvest, il est distant de trois-cents à cinq-cents mètres des villages les plus rapprochés, Goas, Cadougen et Kerscao, de quatre à cinq kilomètres de Plouvorn et d'au moins sept kilomètres de Landivisiau.

Des secours furent demandés à ces différents centres. Le Moulin-Neuf est bien relié par le téléphone (inutilisable la nuit), malheureusement.

Les personnes de bonne volonté affluèrent de partout : de Plougourvest, Bodilis, Plouvorn, Landivisiau, etc. Le corps de sapeurs-pompiers de Landivisiau, avec son important matériel, arriva sur les lieux, mais avec un certain retard, très regrettable d'ailleurs, car, l'incendie avait pris très rapidement une grande extension.

L'eau ne manquait pas, les bras non plus. Mais comment lutter à l'aide de simples seaux contre un pareil fléau !
En peu de temps, tout le bâtiment servant de minoterie, long d'une dizaine de mètres et composé d'un seul étage, avec sous-sol devenait la proie des flammes, hautes d'une dizaine de mètres. La toiture entière attenant à la minoterie subit le même sort. Les sauveteurs réussirent toutefois à en dégager une fournée de pain.

A l'arrivée des sapeurs-pompiers de Landivisiau, vers 1 h, le feu était déjà à peu près circonscrit; il menaçait encore un troisième bâtiment où était enfermé un important moteur. Le travail efficace de la moto-pompe, rapidement mise en action, arrêta bientôt ce nouveau foyer.

Tout danger était ainsi écarté pour un quatrième bâtiment relié à la fois à ce vaste foyer et à la maison d'habitation, une jolie et importante construction toute neuve qui ne subit, heureusement aucun mal. Les pompiers s'appliquèrent alors à noyer les décombres pour sauver autant, que possible le matériel enseveli que les flammes avaient peut-être épargné.

Le travail se fit un peu à l'aveuglette: la nuit était sombre et les lanternes étaient vraiment insuffisantes, on ne promenait tout autour du moulin que deux misérables lanternes « tempête »; alors que de nombreuses autos stationnant dans le chemin auraient largement éclairé de leurs phares tous les alentours du moulin.

On ignore encore les causer exactes du sinistre, que l'on attribuerait à un échauffement des poulies et courroies de transmission, comme au moulin de Keryarguez, distant de cinq kilomètres à peine, qui fut brûlé en janvier dernier.
La brigade de gendarmerie de Landivisiau qui se trouva sur les lieux assez rapidement continue l'enquête pour rechercher les causes de cet incendie.

Nous croyons savoir que M. Siohan avait assuré son moulin contre l'incendie.

 

Lardée de quatorze coups de couteau

Le 08/04/2021

LE CRIME DE SAINT-POL-DE-LEON. 15 juillet 1920. (De notre correspondant particulier.) Nous avons annoncé dans nos dernières éditions de notre numéro du 14 juillet qu'un crime accompli dans des circonstances odieuses avait été commis aux environs de Saint-Pol-de-Lêon. Voici les nouveaux détails qui ont été recueillis. La victime âgée de 14 ans, Anne-Marie Quéau, demeurant chez ses parents à Mez-ar-Roc'h> en Plougeulm, était l'aînée de quatre enfants. Elle devait revenir du marché de Saint-Pol-de-Léon, car on a trouvé près de son cadavre, un panier contenant du beurre, de la chicorée, des fraises, etc. Il aurait dû aussi y avoir du tabac, mais on n'en a trouvé aucune trace. Le drame s'est déroulé dans un petit chemin de passage, près de Kergompez en Saint-Pol, reliant la route de Landivisiau à la route de Plouescat et appelé chemin de Kerges. On a découvert à 80 mètres plus haut des traces de sang, ce qui fait supposer que la jeune fille a été assaillie là et qu'elle aurait réussi fuir son agresseur se dirigeant sur la route jusqu'au point où elle est tombée.

L'assassin s'est acharné sur sa victime avec une brutalité inouïe. L'autopsie a découvert quatorze coups de couteau sur la figure, le cou et la poitrine. L'un d'eux lui a perforé de part en part le poumon.

D'après l'examen du docteur. Rolland, médecin légiste, il n'y a pas eu défloration. De vol, à part la disparition du tabac, il n'y en a pas eu non plus. La mort remonte au 13 juillet entre midi et demi et une heure, moment ou la fillette revenait du marché.
Ce crime reste mystérieux. Aucun indice n'a pu être recueilli par le Parquet pour aider à la recherche du coupable. L'enquête continue. Espérons qu'elle aboutira à la découverte du misérable.

Le crime de Plougoulm

Le 25/03/2021

Audience du 24 avril 1896


7" affaire. — La cupidité est le seul mobile du crime sur lequel le jury est appelé aujourd'hui à se prononcer.

L'accusé, qui se nomme Olivier Floch, n'a que 26 ans. Il habite le village de Kervasdoué, en Plougoulm. Il a pour défenseur M' Lefebvre, du barreau de Morlaix.
M. Drouot, procureur de la République, soutiendra l'accusation.

On remarqua comme pièces à conviction les effets de la victime, dont quelques-uns tachés de sang.

L'acte d'accusation

Dans la matinée du dimanche 5 février 1896, au village de Kervasdoué, en Plougoulm, Marie Bizien, veuve Guivarc'h, voisine du nommé Ollivier Floch, l'entendait crier : « Marie... tuée ! » Elle sortit aussitôt pour demander ce qui s'était passé. Olivier Floch lui répondit que sa jument venait de porter à sa femme un coup de pied qui avait été mortel. La veuve Guivarc'h trouva, en effet, dans l'écurie, le corps de Marie-Louise Péron, femme Floch, couvert de sang et inanimé.
Il portait des plaies contuses à la tempe droite, des ecchymoses profondes aux paupières, plusieurs contusions à la gorge et de nombreuses égratignures à la face, sur les joues et au nez.

A la vue de ces blessures et avant toute constatation médico-légale, il était facile de se convaincre que la mort de la femme Floch ne pouvait être attribuée à un coup de pied de cheval et qu'elle était le résultat d'un crime. Aussi, dès le premier moment, un témoin appelé à visiter le cadavre n'hésita-t-il pas à dire à Floch : « Ceci est un crime, on ne peut pas inhumer ta femme sans en avoir prévenu l'autorité ».
Un autre témoin, Yves Le Berre, qui partageait son sentiment, l'accompagna au bourg de Plougoulm pour avertir le maire. Ce magistrat fit alors appeler le docteur Guillou, médecin-légiste, qui déclara aussitôt que les blessures constatées par lui devaient être attribuées à un crime.
L'autopsie à laquelle l'homme de l'art procéda, le lendemain, le confirma pleinement dans cette opinion en faisant découvrir, derrière les plaies de la partie frontale, une fracture du crâne, qui, suivie d'une hémorrhagie cérébrale, avait entraîné la mort. Cette fracture portait l'empreinte de l'instrument contondant qui avait servi à frapper la victime. Les multiples contusions du cou révélaient, en outre, une tentative de strangulation.

Devant les charges qui s'élèvent contre lui, Floch a dû, après quelques dénégations, reconnaître avoir lui-même donné la mort à sa femme. Il prétend toutefois ne l'avoir frappée qu'après avoir été injurié par elle et après avoir reçu dans le dos un coup de fourche, dont il ne peut montrer aucune trace. Il aurait riposté par un coup plus vigoureux et aurait renversé ou projeté brusquement sa femme contre le mur de l'écurie, où elle se serait blessée grièvement à la tète ; c'est alors que, de son propre aveu, redoutant une dénonciation de sa victime, il résolut de la tuer. La prenant à la gorge, il la tint ainsi longtemps et fortement serrée et, s'armant d'un vieux fer à cheval, il la frappa violemment à la tempe droite. La femme Floch se débat entre ses mains, essayant de se défendre ; il la maintient sous son étreinte en lui comprimant la bouche pour l'empêcher de crier et en lui labourant le visage avec ses ongles. Quand il la voit morte, ne donnant plus signe de vie, il sort, erre à travers champs et ne rentre que pour s'assurer qu'elle a rendu le dernier soupir.

En attentant à la vie de sa femme, l'accusé n'ignorait pas qu'elle était dans un état de grossesse avancée. Il avait, du reste, un intérêt pécuniaire à se débarrasser de la mère et de l'enfant.
A diverses reprises, la malheureuse femme avait été victime des mauvais traitements de son mari, qui, plus jeune qu'elle, ne l'avait épousée que pour sa petite fortuné. Elle lui avait apporté en mariage 3,600 fr., et il avait réussi, au mois d'août 1895, à se faire consentir par elle une donation de son bien.

L'accusé n'a pas d'antécédents judiciaires, il passait seulement pour être d'un caractère difficile.

Interrogatoire de l'accusé

D. — Floch, quand vous avez épousé votre femme, elle avait sept ans de plus que vous. Ce n'est donc pas pour sa jeunesse que vous l'avez prise. Pourquoi l'avez-vous épousée ?

R. — C'est mon oncle qui a fait le mariage.

D. — Vous avez déclaré à l'instruction que c'était pour son argent et aussi pour autre chose. C'est ce quelque chose que je voudrais savoir.

Pas de réponse.

D. — Votre femme était-elle heureuse avec vous ?

R. - Oui.


D. — Ce n'est pas ce que diront les témoins.

D. — Et avec vos parents ?

R. — Ils ne lui faisaient pas de misère ; mais elle ne s'entendait pas avec ma mère.

Le président. — Eh bien, d'un mot, je vais régler cette situation. Un jour que la morte avait fait une perte de sang considérable, elle fut obligée d'aller laver son linge. Des lavandières virent qu'elle portait des taches de sang et des marques verdâtres. Avait-elle été frappée ? C'est ce qui restera dans l'ombre. Mais savez-vous, messieurs, ce que la mère de l'accusé a dit ? Eh bien, elle a dit qu'elle était allée consulter une sage-femme et que celle-ci avait déclaré que Marie Péron avait une certaine maladie. La sage-femme proteste énergiquement. Enfin, un jour, la pauvre femme, malade, ne pouvait pas se lever.
Le père Floch s'est écrié : Il faut la jeter dans la mare à purin ! Voilà les sentiments de la famille Floch à l'égard de la malheureuse.

D. — Voulez-vous dire ce qui s'est passé dans la matinée du 5 janvier ?

Floch raconte alors la scène du meurtre, sans omettre de dire d'abord qu'il a été frappé ert injurié par sa femme. Il le fait avec une certaine hésitation.

Le président. — Vous n'étiez pas doux et mielleux comme cela, quand vous avez  tué votre femme ?

D. — Qu'avez-vous fait, une fois le crime commis ?

R. — Je suis allé faire un tour dans les champs.

Le président. — Ah ! l'homme pacifique ! Mais auparavant, comme vous aviez tout calculé, vous aviez placé la tète de votre femme dans le purin, à côté des chevaux, pour faire croire à un accident. Eh bien, vous avez un singulier aplomb. Non seulement, vous n'avez pas eu pitié de la mère, mais vous n'avez pas eu pitié de l'enfant, car vous saviez que ce petit être allait, dans quelques jours, venir à la vie, et vous, un homme jeune, à l'âge où les sentiments généreux se développent, au moment où vous allez pouvoir goûter les joies de la paternité, c'est ce moment que vous choisissez pour commettre un crime abominable. Allons donc ! vous avez voulu tuer et la mère et l'enfant, et nous savons pourquoi.

Et le président parle à ce sujet de la donation consentie par Marie-Louise Péron à son mari.

Le président. — Votre femme est tombée sous vos coups, demandant grâce. Vous ne l'avez pas écoutée, mais vous nous écouterez, nous. Il n'est pas possible qu'on continue à tuer ainsi en Bretagne.

Les témoins

On passe ensuite à l'audition des témoins. Onze sont entendus, parmi lesquels les suivants :

M. Antier, brigadier de gendarmerie à Saint-Pol de Léon, rapporte les constatations qu'il a faites le 5 janvier, constatations qui l'ont amené, dit-il, à conclure que la mort était le résultat d'un crime.

— M. le docteur Guillou fils, de Saint-Pol de Léon, en pratiquant l'autopsie de la femme Floch, a constaté deux plaies contuses au front, des ecchymoses considérables aux yeux, des égratignures de toute la face produites par des coups d'ongle, et au cou, dans divers endroits, des contusions démontrant des efforts de strangulation. En résumé, dit-il, la mort de Marie-Louise Péron me paraît produite par la fracture du crâne avec plaie et hémorragie du cerveau. Les essais de strangulation n'ont servi qu'à aider la mort trop lente à venir.

— Saluden (Jeanne), femme Velly,38 ans, cultivatrice à Sainte-Anne, en Plougoulm, rapporte que, deux mois environ avant le crime, se trouvant seule au douet avec la femme Floch (Olivier), celle-ci lui dit que son mari avait essayé de l'étrangler et qu'elle aurait bien voulu que quelqu'un prévînt les gendarmes.

— Françoise Créach, 17 ans, du Stang,en Plougoulm, déclare : — Le 4 janvier dernier, la femme Floch (Olivier) s'est plainte à moi de son mari, ajoutant qu'elle était malheureuse dans cette famille et qu'il n'y avait que son beau-frère Tanguy qui fût bienveillant pour elle. Elle m'a même raconté que la veille, étant indisposée, elle avait gardé le lit et que son beau-père, à un moment, s'est écrié : « Il faut l'arracher de son lit et la jeter dans la
mare à purin. » Son mari avait essayé par deux fois de la tirer du lit où elle était couchée.

— Marie-Louise Rioual, femme Abalain, demeurant au Runic, a également reçu les doléances de la femme Olivier Floch, qui, se plaignant un jour de son mari, lequel accomplissait sa période d'exercice militaire, manifestait le désir qu'il ne revînt pas, parce qu'il la faisait trop souffrir. Une autre fois, elle raconta au témoin que son mari l'avait engagée à passer contrat de donation mutuelle ; qu'elle n'avait pas envie de le faire, mais que cependant elle y avait consenti, pensant que son mari la ménagerait davantage et la mettrait plus à l'aise. C'était, dit le témoin, une excellente personne, n'ayant pas mauvais caractère.

Avant le réquisitoire, le président dit, s'adressant à l'accusé ; — « Vous n'avez pas accompli votre crime sous l'influence de l'ivresse, mais vous l'avez accompli lâchement, froidement, sans hésitation, et avec la plus grande férocité. Vous avez même déclaré que l'idée vous était venue d'achever votre femme, parce que vous craigniez qu'elle vous dénonçât. Eh bien, c'est de la préméditation, ou je ne m'y connais pas !» Et le président fait connaître qu'il posera la question de préméditation. L'accusation de meurtre est ainsi transformée en accusation d'assassinat.

Le réquisitoire

C'est au milieu d'une salle comble que le procureur de la République, M. Drouot, prononce le réquisitoire. Il entre aussitôt dans l'examen des faits. Cet homme, dit-il, s'est précipité sur sa victime, ayant en main ce fer pris dans un coin de l'écurie ; il a frappé à coups redoublés, sans qu'il y eût de défense possible ; il a redoublé ses coups et hâlé, par strangulation, la mort qui venait trop lente ; puis il a étendu la corps de façon que le purin du ruisseau
lavât cette tète sanglante. Après quoi il a inventé la fable d'un coup de pied de cheval donné au cadavre. Il n'a pas réussi à tromper l'opinion publique pendant un seul jour. Les faits éclataient dans leur série préméditée et réglée d'avance. Il a avoué avoir voulu achever sa femme pour l'empêcher de le dénoncer. Est-ce que ceci ne suffit pas à établir la préméditation ? Et son intérêt évident, cette donation de 1895 chez le notaire, lorsqu'il dit hypocritement que sa femme n'aura jamais d'enfants, alors qu'elle était enceinte de quatre mois, est la cause vraie de la mort de cette malheureuse. Tout le démontre. Jugez en juges du fait, dit en terminant M. Drouot, jugez sans hésitation, sans cruauté, sans faiblesse. C'est l'unique manière de comprendre les fonctions judiciaires. Si c'est une chose inique que de condamner un innocent c'en est une toute pareille que d'innocenter un coupable. C'est le mot connu de l'écrivain russe Tourgueneff : la clémence visà-vis des coupables n'est pas seulement de la clémence, c'est aussi de la cruauté vis-à-vis des innocents. Faites donc justice, et quand on vous demandera d'avoir pitié de cet homme, rappelez-vous sa victime innocente, jetée pantelante contre ce mur et dans cette fosse, et voyez qu'alors il a été, lui, sans aucune pitié.

La défense

M' Lefebvre, chargé de la défense de l'accusé, s'exprime ainsi :

Lorsque, il y a environ trois mois, j'ai été chargé de la défense de Floch, j'ai senti que la tache serait lourde, et cette impression n'a fait que s'accentuer, surtout depuis, qu'au cours de ces débats, la préméditation est venue s'ajouter à l'accusation, déjà si grave, de meurtre. Cependant, cette situation ne m'épouvante pas, parce que j'espère bien démontrer qu'il n'exista dans la cause aucun des éléments constitutifs de la préméditation. Et le défenseur s'attache à faire cette démonstration. A ce moment, l'accusé sanglote.

Reprenant à son tour l'examen des faits, M' Lefebvre dit que les témoins ont beaucoup exagéré et que la préméditation invoquée in extremis n'est pas suffisamment établie. Le meurtre ne saurait être discuté ; mais il reste la question des circonstances atténuantes, qui a une importtance capitale dans l'affaire. Le passé honnête de Floch, les conditions désastreuses de son mariage suffisent, dit le défenseur, à les motiver, et, donnant lecture d'une pétition des habitants de Kervasdoué en faveur de Floch, il espère que cet appel à la clémence sera entendu des jurés.

Le verdict

L,e Jury rapporte un verdict affirmatif de meurtre, sans circonstances atténuanfes.

En conséquence, Floch est condamnéaux travaux forcés à perpétuité.

 

A Cayenne, Floch eut une bonne conduite, malgré un caractère difficile. Il pratiqua l'effilochage. Mais il mourut en juin 1897.

Quand le PC défendait Perrot

Le 26/02/2021

HERRIOT INTERDIT LE DRAPEAU BRETON AUX FÊTES DU BLEUN BRUG

Et les Brestois « interdisent » la Marseillaise

Des faits fort curieux ont marqué dimanche les fûtes du « BIeun Brug » à Brest. II s'agit d'une association culturelle nettement catholique et qui avait accoutumé d'organiser ses solennités avec le concours de toutes les autorités. Mais depuis le 7 août il y eut du bruit dans Landerneau. et dans toute la Bretagne. Bien des choses sont changées. Le mot d'ordre du gouvernement de Paris est « Sus à tout ce qui se dit Breton » Or, les fêtes du Bleun Brug, si elles sont catholiques, sont bretonnes ; Les organisateurs avaient demandé des chevaux de cavalerie pour leur défilé .de. mardi prochain. On les leur refusa.

La musique de la flolte devait prêter son concours dimanche. Il fut retiré, et les musiciens furent expédiés à Cholet. Mais le fait principal fut l'interdiction absolue d'arborer aux fêtes le drapeau breton, l'étendard aux bandes noires et blanches. « C'est un emblême séditieux » déclarèrent les autorités. Les organisateurs qui pratiquent la morale chrétienne demandèrent qu'on leur permit do sortir leurs drapeaux munis d'une cravate tricolore française. Ils télégraphièrent deux fois a Herriot à ce sujet. Celui-ci ne répondit pas et l'interdiction fut maintenue. Mais il y eut la riposte et c'est ce qui nous intéresse.

Malgré toutes les brimades gouvernemenlales, la fête eut lieu au vélodrome. La foule était dense et avec le clair instinct qui, dirige toujours les masses quand un grand sentiment collectif les anime, elle donna au gouvernement de Paris une belle leçon.

Au programme étaient inscrites l'exécution par la musique de la Marseillaise et celle de l'hymne breton Bro Gor Ma Zadou. Les musiciens n'étaient pas là, mais on chanta. Des centaines de voix chantèrent l'hymne breton, et lui seul. Ainsi, de cette fête catholique, par sa politique de vexation et de brutalités policières, le gouvernement en a fait une manifestation protestataire.

Le Breton qui nous fait tenir ces détails ajoute « Vous aviez bien raison de dire qu'on n'aurait pas les Bretons par la terreur ». Je le crois en effet.

Souscription contre souscription

Je le crois d'autant plus qu'on sent partout un mouvement de résistance s'organiser. Les petits incidents que nous venons de relater valent surtout parce qu'ils montrent que l'agitation s'étend à des milieux que leurs convictions religieuses inclinent naturellement à l'obéissance et à la résignation. Mais, nous l'avons dit, le mouvement breton doit tirer sa force des masses populaires, et nous le soutenons avec d'autant plus d'énergie que nous le voyons s'orienter d'une façon très saine vers les luttes sociales.

Un exemple. Quelques courtisans du pouvoir central ont lancé l'idée d'une souscription publique pour restaurer en le modifiant au besoin le monument détruit par l'explosion et que tous les Bretons avaient en horreur. 
Il s'agit de démontrer « le loyalisme de la Bretagne » en recevant des souscriptions forcées de tous ceux qui dépendent du gouvernement, du patronat, des gros propriétaires.

C'est un défi, Mais les Bretons veulent le relever

Nous l'avons déjà dit, elle fait son chemin, l'idée d'une souscription pour l'érection d'un monument à Le Balp, héros paysan de 1675, chef, des « Bonnets Rouges », qui. au nombre de plusieurs milliers se lancèrent à l'assaut des châteaux, réclamant la terre et la liberté de la Bretagne.

Dans la situation actuelle, au moment où la misère s'assied au foyer de chaque cultivateur breton, cette glorification de l'insurgé paysan, qui souleva les masses dans une grande révolte historique fut trahi par les nobles et supplicié pour avoir détendu sa classe, les armes à la main, prendrait la plus haute signification.

C'est par l'action de ses paysans, de ses ouvriers, de ses pêcheurs de ses marins sous le col bleu, que la Bretagne secouera le joug de misère qui pèse sur elle.

Daniel RENOULT.

L'Huma, 6 septembre 1932

Célestin Séité

Le 24/02/2021

Le Télégramme du 26 février 2016 a publié cet article sur Célectin Séité.

Roscovite Célestin Seité faisait partie du 19e régiment d'infanterie. Et comme le Morlaisien, le jeune homme de 27 ans, alors officier, a été fait prisonnier, à Verdun, le 17 avril 1916. « Il a été mis en forteresse et a même passé les premiers jours aux côtés d'un certain... Charles de Gaulle ! », raconte l'un de ses petits-fils, le Saint-Martinois Michel Seité, 74 ans.

Longue carrière politique

Revenu très faible de ses deux ans de captivité, en 1918, Célestin Seité déjouera finalement tous les pronostics médicaux. Marié deux fois (à Marie-Olive Guivarch, emportée par la tuberculose en 1928, et à Louise Chapalain en juin 1929), il aura trois enfants des deux lits, redeviendra légumier à Gardaléan, avant d'embrasser une longue carrière politique. Premier adjoint au maire dès 1925, puis conseiller général en 1931, Célestin Seité restera maire de la commune pendant 22 ans, de 1946 à 1969. Il décédera à 86 ans, en 1975, après avoir eu toute sa vie des difficultés circulatoires aux jambes, « héritage des combats dans le froid », note son petit-fils.

« Un sacré personnage ! »


Passionné de généalogie, Michel Seité (issu du premier mariage de Célestin) ne s'est penché que depuis 2010 sur le parcours militaire de son aïeul. « Un hommage lui a été rendu à Roscoff à l'occasion des 90 ans de l'Union nationale des combattants (UNC), dont il avait été le fondateur après-guerre. C'est là que j'ai appris que mon grand-père avait été fait prisonnier à Verdun ». Le Saint-Martinois, qui ne dispose malheureusement d'aucun journal de bord, a utilisé la fiche matricule et les journaux de marche et d'opérations pour retracer le parcours de Célestin. « Je l'ai surtout connu lorsque j'étais enfant. C'était un sacré personnage ! », souligne-t-il, avec le même regard bleu, et, dit-il, « le même daltonisme que Célestin ». « Il ne parlait jamais beaucoup de la Grande Guerre. Je l'entends nous répéter, enfants, que ce qui l'avait sauvé des obus, c'était ses petits 1,60 m ». Un pied de nez aux horreurs de la guerre, dont, c'est sûr, « il avait, comme tous, horriblement souffert », termine aujourd'hui son petit-fils.

La Ste-Barbe de 1927

Le 24/02/2021

Le grand pardon de Roscoff favorisé aur un temps superbe a magnifiquement réussi.

Le dimanche, veille de pardon, la population se rendit à Sainte-Barbe pour assister aux vêpres célébrées en plein air. Cet office terminé, le clergé se rendit auprès d'un énorme bûcher pour y allumer, selon une vieille tradition, le feu de joie. Le lundi, une messe solennelle fut chantée par M. Mesguen, chanoine honoraire et supérieur du collège de Saint-Pol. Ce fut, dans l'après-midi, qu'eut lieu la belle procession de Sainte-Barbe. Elle quitta l'église paroissiale à deux heures et s’achemina lentement, entre deux haies de spectateurs, vers la chapelle de la Bienheureuse martyre. Sur le parcours de nombreux touristes, armés d’appareils photographiques guettaient, le passage d’un beau costume, d’une riche bannière. Le patronage Sainte-Barbe, dirigé par M. l’abbé Prémel (directeur) et les frères Cabioch (moniteurs), fit bonne mine dans ce magnifique cortège. Les notes, éclatantes des tambours et des fifres alternaient avec les cantiques chantés par la foule. Les vêpres furent chantées en plein air auprès de la chapelle. Puis M. le Recteur de Plougoumù monta dans la chaire rustique, dressée sur la colline. Après avoir raconté à son nombreux auditoire les luttes que Sainte Barbe eut à soutenir pour sa foi, il lui rappela qu’aujourd hui la foi chrétienne est en péril. N est-elle pas menacée, en effet, par les mauvais spectacles, les modes indécentes et par les lois persécutrices ? Il insista surtout sur le danger que fait courir à l'âme des enfants l’école laïque. Il rappela aux parents chrétiens le devoir qu'ils ont de confier leurs e fants a des maîtres chrétiens qui, avec les connaissances profanes, leur inculqueront la vérité de la foi. Il ne voulut pas finir sans donner à ses auditeurs le moyen infaillible de triompher. C’est celui-là même qui a si bien servi nos adversaires, l’union qui a fait arriver au pouvoir la poignée de francs-maçons qui nous gouvernent ; l'union comme à Quimper et au Fulgoet. C’est par ce moyen seulement que nous ferons valoir notre nombre et triompher nos revendications. Une bénédiction à l’église paroissiale clôtura le pardon.

Le Nouvelliste de Bretagne