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Les orphelins...

Le 27/04/2024

Jour de courses hippiques à Pempoul

C'est par un ciel azuré et une chaude atmosphère que vous descendrez aujourd'hui à la gare de Saint-Pol de Léon. Vous entrerez en ville par une rue pavoisée, au son d'une musique retentissante. Vous y trouverez tout le peuple en liesse.

 Et si j'en juge par les menus que s'apprêtent à vous servir les restaurateurs, vous serez bien traités. Ceux qui doivent être les hôtes de personnes privées verront leur repas agrémenté par la douceur de l'amitié ou la joie de la famille. Oui, tout le monde sera franchement accueilli et tout le monde sera en fête.

Je me trompe cependant. La-bas, sur la route du champ de courses, au tournant de la rue des Minimes, dans une maisou aux murs d une solidité douteuse, 27 orphelins placés sous la protection de saint Vincent de Paul à la pauvre niche de bois blanc, vous regarderont passer avec une curiosité sans amertume.

 Ils sont de chez vous, de chez moi. On ne leur demande pas d'où ils viennent ; on les reçoit, tant qu'il y a de la place.

Cette maison hospitalière, ils la doivent à une vieille demoiselle dont les parents, jadis, dans nos grands ports et dans nos possessions d'outremer, luttèrent avec succès pour le rayonnement de notre commerce extérieur.
Leur pain quotidien, leur instruction, leur éducation, tout le présent, à une autre demoiselle qui porte un nom justement honoré dans notre marine nationale. Elle a tout sacrifié : situation, jeunesse, brillant avenir, au soulagement de ces déshérités. Sa fortune, hélas ! n'égale pas son grand coeur...

Quand je me souviens que, cet hiver, ces pauvres petits, dont on ignorait le véritable sort, en étaient réduits à mendier quelques pommes de terre et des fagots pour les cuire,  ne puis je faire appel à votre générosité, sans qu'on m'accuse de jeter une noie triste sur l'éclat de cette fête ?

Aussi bien les courses seront belles à Penpoul, vous secouerez l'obsédante vision do toute misère. Mais commencez la journée par une bonne action, en fixant un regard attendri sur le coin de la rue des Minimes.

Vingt-sept petits garçons vous béniront. Leur bienfaitrice priera pour vous.

La Dépêche de Brest, 29 juin 1902.

La Poste en Bretagne

Le 27/04/2024

Par Louis Ogès


« La poste, a dit Voltaire, est la consolation de la vie ; par elle, les absents deviennent présents. » On ne saurait mieux dire, mais nous aimons à croire que les Bretons d'autrefois avaient d'autres moyens de consolation, car, jusqu'à la fin du XVIIe siècle, le service des postes était à peu près inexistant dans notre province.

Un historique de la Poste aux lettres en Bretagne, auquel cet article doit beaucoup, a été écrit par D. Bernard, l'érudlt Quimpérois dont les travaux et les grandes connaissances bibliographiques sont très appréciés des historiens et des chercheurs. Les milieux bretonnants n'apprendront pas sans Intérêt que Daniel Bernard travaille à une bibliographie complète des oeuvres en langue bretonne parues Jusqu'à ce jour.

A l'imitation de Louis XI, les ducs de Bretagne créèrent pour les besoins de la Cour une première organisation postale. Leurs messagers éprouvaient les plus grandes difficultés à remplir leur mission par suite du mauvais
état des routes. Le bon fonctionnement du service des postes est en effet subordonné à l'existence de voies de communications praticables et sûres.
Jusqu'au milieu du XVIIIe siècle, nos chemins étaient dans un état si déplorable que la circulation des voitures y était impossible en hiver. Pendant la Guerre de Sept ans, les opérations militaires nécessitées par les débarquements des Anglais en Bretagne firent apparaître l'insuffisance des moyens de communication. Le duc d'Aiguillon, gouverneur de la province, entreprit alors la création d'un important réseau routier. C'est à dater de cette époque que le service postal prit quelque extension en Bretagne.

Jusqu'au XVIIe siècle, les seigneurs et les riches marchands faisaient parvenir leurs messages par des cavaliers armés qu'ils payaient à cet effet. La petite bourgeoisie et le peuple étaient réduits à ne point écrire ou à confier
leurs lettres aux roullers ou aux colporteurs qui parcouraient le pays.
Mentionnons que, bien avant la création des courriers, l'Université jouissait pour son usage particulier d'un service spécial de messagers, un au moins par diocèse. Ces messagers assuraient les relations des étudiants avec leurs familles.Ils se présentaient dans les collèges pour remettre la correspondance destinée aux « escholiers » et prendre les lettres que ceux-ci écrivaient à leurs parents. Les messagers universitaires étaient la providence des
étudiants bretons se rendant à Rennes, à Nantes, à Orléans ou à Paris pour y poursuivre leurs études: Ils les véhiculaient Jusqu'à leur école. On peut donc dire que ces messagers furent des auxiliaires précieux pour la diffusion de l'instruction.

A partir de 1672, les Postes furent affermées à des traitants au fermiers qui eurent le privilège du transport de la correspondance. Les bureaux de poste de cette époque n'avaient aucun rapport avec nos bureaux actuels. Ils comprenaient une écurie, une remise et un local où l'on déposait la correspondance. Ce local ouvrait seulement aux heures de départ et d'arrivée des courriers. Le gérant ne distribuait pas les lettres; ceux qui en attendaient
allaient les chercher eux-mêmes. C'était, en somme, l'extension généralisée du service actuel de la poste restante.

La lenteur des courriers était telle qu'en 1775, des troupes à pied venant de Rennes arrivèrent à Saint-Pol-de-Léon plusieurs jours avant les lettres annonçant leur arrivée, de sorte que rien ne se trouva prêt pour les recevoir. Au XVIe siècle, une lettre mettait huit Jours pour aller de Rennes à Paris.

Sous Louis XVI, un seul courrier partait chaque lundi de Rennes pour Quimper. Un autre courrier partait pour Brest le mercredi et, au passage, desservait Morlalx. Un troisième desservait Carhaix. Dans la Cornouaille et
le Léon, ces quatre villes étaient seules à posséder un bureau de poste. Chaque localité importante rétribuait un courrier à pied ou à cheval chargé de prendre les lettres à leur arrivée à Brest, Morlalx, Quimper ou Carhaix.
Le piéton qui transportait et distribuait ies lettres de Quimper à Rosporden ne savait pas lire et devait se faire aider par des personnes bénévoles. Quant à l'honnêteté des préposés au transport, elle était sujette à caution. Le courrier de Morlaix s'appropriait le montant du port des lettres qui lui étaient confiées; il fut condamné à servir à perpétuité sur les galères du Roi, après avoir été marqué sur l'épaule droite d'un fer rouge portant l'empreinte des trois lettres G. A. L.

A cette époque, les philatélistes ne s'adonnaient pas encore à leur passion de collectionneurs pour la bonne raison que les timbres-poste n'étaient pas inventés. Un tarif spécial, payable au départ, était fixé pour le transport des
lettres; il variait avec la distance. Sous Louis XV, de Rennes à Paris, on payait 9 sols, ce qui correspondrait à environ 40 francs de notre monnaie De Paris à Brest ou à Quimper, le tarif était de 10 sols. De Morlalx à Quimper on payait 4 sols.

Les facteurs n'apparurent que dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. En 1770, la distribution était assurée à Brest non par des facteurs, mais par deux factrices.

Le timbre-poste n'a été usité en France qu'à partir du 1" janvier 1849.

Louis Ogès

Lagallac'h, Kerlavan...

Le 20/03/2024

Lagallac'h et Kerlavan sont deux manoirs qui ont échappé aux radars. Jean-Yves Le Goff les ignore dans son livre sur les manoirs du canton de Saint-Pol-de-Léon. Son homonyme, Jean-Claude Le Goff n'accorde que trois maisons nobles à Santec dans sa petite hitoire de la commune : Lenn-ar-Barres, Kerabret et Brigné, disparu après la tempête de 1699.. Et pourtant, ils ont existé ! C'est un inventaire de la seigneurie de Kerjean qui nous a permis de les localiser. Nous cherchons tout rensignement complémentaires. ( https://urlz.fr/pXNO ) Si quelqu'un peut apporter son concours...

Le manoir de Lagallach

autre manoir noble appellé an Lagallach, en la ditte parroiffe du crucifix des champs; o ses maisons, granges, burons, vaux, aire, jardins, deux courtils et lef vieilles mazieres, touts cernes de murailles et douffues à rouir lyn, hors la ditte muraille; Item jouxte lefdittes maisons et clos, un parc appelle Parc an melin avel, le parc Goarem stang an Guezen, autrement appellé goarem an Lagallach; autre parc devant l'entrée desdittes maisons appelle parc anty, le parc neves, le parc an Gricy, le parc creis, et le parc an croas; contenants ensemble 18 journels & demy de terre chaude;

touts s'entretenants et ayant leurs fof et foffez, et cernes du chemin menant dudit lieu a St Paul & K:hellec, terres le fr de la t... et de ...guen, d'autre chemin menant de Khelec a Rofgoff, et d'autre chemin menant dudit manoir à Pouldu; Item jouxte ledit clos cerné de murrailles, moyennant le chemin deverf soleil levant trois parcs s'entretenants, et ayant leurs foffez nommes Parc an valy, parc morvan, parc Meafou, contenants 6 journels de terre chaude; plus au terroüer de K:lavan en laditte parroiffe du Crucifix, trois parcs et feniers appelles fouennejer an lagallech s'entretenants & ayant leurs foffez, contenant 9 journelf a faulcheur; lefdittes prairies ayants une vanelle pour leurs tenitudes ditte vannel an vallanec, devers le midy, lefdits herittages quittes de touttes charges;

Le manoir de K/lavan

autre manoir noble appellé K/lavan en laditte parroiffe du crucifix, o' ses maisons et ediffices, colombier, porte, vaux, jardins, aire et deux courtils dits liorou leur, 10 sillons de terre chaude en labeur au champ Mefiou an nao erff, autrement Meafiou K/lavan, Le parc braf, Le parc Creis, le parc an Evohir, le parc Pelaff, le parc nevez, deux courtils appellez Liorzou an Coet, le parc mean, la prée an fouennec, contenantf 8 journels & demy de terre chaude, 10 douffves à rouir Lyn, en la franchife ditte Teven Coz, au dit champ de Meafiou K/lavan une piece de terre chaude et 4 fillons en labeur,

une maisonette couverte de gleds, deux jardins, et un petit parc dit Liors an cofty contenant terres chaudes pour femer 3 boeffaux de bleds, au champ Meafiou gorre an k/ear cinq pieces de terre chaude & froftes, l'une contenant 24 seillons de terre, autre 13 seillons en labeur, autre de 8 seillons et demy, autre de 7 seillons et l'autre de 5 seillons et demy en labeur au champ en Goarinan bihan trois pieces de terre chaude et frofte, l'une de 10 seillons et demy en labeur, autre de 7 longs seillons et demy, et de 2 courtf feillons, et la 3e piece de 7 longs & 4 courts seillons; jouxte ledit champ Teven Coz, deux prays feniers, non fauchables, contenants i journel et quart journel de terre à la charrüe, touts lesdits herritages cy deffuf sittüez en la ditte parroiffe du Crucifix des champs

Kervadoret en 1886

Le 17/03/2024

Kervadoret était jadis une dépendance noble du manoir de Kerhoant. On en parla jusque dans le New York Herald Tribune lorsque le Père Sévère, son patron, mourut laissant 113 descendants. Ils étaient une centaine à fêter chaque année la nouvelle année à la ferme. Voici un article sur Kervadoret en 1886.

La superficie de Kervadoret est de 14 hectares, se décomposant en 13 hectares de terres labourables et 1 hectare de prairie. Le fermier, Pierre Le Sévère, est connu à St-Pol par ses succès dans les concours hippiques. La famille se compose, du fermier, sa femme, 5 enfants, un serviteur et une servante, en tout 9 personnes.

Le cheptel comprend : 11 chevaux, 10 vaches, 1 taureau, soit 21 têtes. Ici, le rapprochement de l’étendue de la ferme et des êtres qu’elle nourrit est encore des plus frappants. Cependant, à Kervadoret, comme dans la généralité des fermes de St-Pol, on a adopté la culture de l’oignon et des artichauts. Nous y avons parcouru un
champ d’artichauts de 2 journaux. Le Sévère en avait refusé 1,500 francs. Il avait bien fait ; car la récolte, vendue à la douzaine, lui rapportera plus de 2,000 francs
par journal. L’usage est, dans le Léon, de vendre la récolte d’artichauts soit par champ, soit au mille pieds, soit à la douzaine de fruits. Le Sévère soutient que
c’est la vente à la douzaine qui est la plus avantageuse pour le vendeur.
Au moment de notre passage, la récolte de Kervadoret avait belle apparence. Les animaux étaient en parfait état. Mais ce qui surtout intéressa la Commission, ce furent
les chevaux: ils étaient près du sang et plusieurs d’entre eux présentaient une grande distinction; nous fûmes ravis de la manière habile dont les deux fils, qui sont plus
spécialement chargés de l’écurie, nous présentèrent leurs chevaux au pas, au trot, au galop, leur faisant décrire des cercles, changer de pas, d’allure et de direction, sans à-coup et voltigeant sur eux par toutes les figures, en cadence et sans ôter leurs sabots.
On demande, depuis de longues années, qu’il soit établi en Bretagne des écoles de dressage de chevaux. Pourquoi donc ces écoles de dressage sont-elles si lentes à se former, alors que nous avons sous la main les professeurs et les élèves : les élèves dans tous nos châteaux, dans toutes nos fermes; les professeurs dans les stations des haras, les dépôts de remonte, les garnisons de gendarmerie et de cavalerie ?
L’élevage a conduit Le Sévère au commerce des chevaux. Ce commerce, nous a-t-il dit, lui a permis, cette année, de réaliser un bénéfice de 1,800 francs, en 8 mois. Pendant ces 8 mois, il lui est arrivé de vendre 4,000 francs un étalon qu’il n’avait gardé que pendant 8 mois et qu’il n’avait acheté que 1,100 francs. Les nombreux bénéfices de ce genre, réalisés par Le Sévère, seraient trop longs à énumérer. L’un de ses fils, qui a, comme lui, la passion du cheval, les avait consignés avec ordre dans un registre qu’il était fier de nous lire ; avec la comptabilité commerciale de St-Nep, c’est la seule qui nous ait été produite.
Les édifices de Kervadoret forment un corps de ferme remarquable. La maison est spacieuse et possède un étage et un vaste grenier. Les écuries sont aménagées pour
l’élevage et le commerce. Elles renferment plusieurs boxes et de nombreuses stalles.
Cette sollicitude du propriétaire, M. le marquis de Lescoët, pour ses fermiers, méritait d'être signalée.
Le Sévère n’a reçu aucun patrimoine, mais, par son travail et son industrie, il est en voie d’en créer un à ses enfants et déjà il a pu en marier trois avec une dot de 2,000 francs.
Les succès de Le Sévère dans les concours ont été nombreux ; il nous a montré 18 médailles, dont l’une obtenue à St-Pol, pour labour à la charrue, par le plus jeune de ses voltigeurs.
Nous sommes heureux d’y ajouter une médaille d’argent, afin d’encourager le fermier de Kervadoret dans ses belles cultures de céréales et de légumes, dans son élevage, son dressage et son commerce de chevaux de demi-sang.

Nota. — C’est en 1886 qu'il a été récolté des artichauts à Kervadoret pour la première fois.

Noble... et meunière

Le 31/10/2023

Noble...et meunière !

On ne prête pas le plus souvent de postérité à Claude de Kerhoënt et François de Kergroadez. Cependant, certains généalogistes donnent une fille, Anne Catherine, décédée au château de Brélès le 26 décembre 1651 à l'âge d'environ 12 ans. Or les registres de cette époque n'existent plus.

Mieux : on voit en une certaine Adelice Kergroadez, épouse du meunier François Joncour, décédé au moulin de Kerlaviou, à Guiclan, en 1659, une batarde de François de Kergroadez. Sur certains actes, son nom apparaît en effet avec la particule. Alors, batarde, le mot est-il bien choisi ? Si Adelice porte le nom de son père, c'est qu'elle a été un tant soit peu reconnue. Sinon, elle porterait le nom de sa mère. Cette Adelice de Kergroadez aurait eu cinq enfants. Trois actes de baptême ont été retrouvés. Ils ont été rédigés en latin dans la paroisse de Saint-Martin, à Morlaix. Aucun noble pour parrains. Veuve, Adelice Kergroadez se remaria avec un autre meunier, Yves Pichon, et lui donna une fille, Catherine, qui exerça le métier. Adelice est décédée au moulin de Roch-Cleguer, à Sizun, en 1683. Elle est dite se prénommer Cécile, âgée d'environ 60 ans, ce qui la ferait naître vers 1623, date à laquelle François de Kergroadez est bien marié avec Claude de Kerhoënt. Parmi les descendants du premier lit d'Adelice, Guillaume Joncour est lui aussi une énigme. A son décès en 1759 au moulin de Goasmoal, Loch-Eguiner, on découvrit dans ses armoires, outre une épée et une tasse d'argent, la bagatelle de 6.000 livres en espèce. Mais en outre, précise le notaire, « Avons pareillement trouvé la ditte armoire une bourse dans laquelle s'est trouvé en vieilles espèces non ayant cours de ce jour en argent blanc petites et grandes pièces la pesanteur de cinquante neuf écus de six livres pezés par balance faisant la valeur de 354 livre... » Curieux.

Quelqu'un a-t-il une idée sur la question

LE 14 juillet 90 à Saint-Pol

Le 19/10/2023

Le 5 juillet 1790, le conseil général de Saint-Pol décidait de faire élever sur la Grand' Place un autel à la patrie « avec toute la décence possible pour le jour mémorable et si désiré du 14 » et d'y faire célébrer une messe par le Révérend Père Turquet, supérieur des Minimes, aumônier de la municipalité et de la garde nationale.

A la suite de cette cérémonie religieuse, le conseil devait renouveler son serment d'être fidèle à la nation, à la loi, au roi. Etaient nommés commissaires de la fête : Le Gall de Kerven, procureur de la commune; Figuières et Berdélo, officiers municipaux; Michel du Coin, Le Guével et Bolloré, notables.

Sollicité de donner son agrément à la célébration de la messe, Mgr de La Marche, évêque de Léon, envoyait au conseil une lettre signifiant son refus formel, refus motivé par les critiques qu'il faisait à la constitution civile du clergé (lettre du 11 juillet 1790).

Le lendemain 12 juillet, le maire. Le Hir, convoque le conseil à 8 heures du matin, pour délibérer sur les mesures à prendre. L'assemblée est d'avis d'envoyer au R.P. Turquet un « réquisitoire » pour qu'il célèbre la messe le 14 sur l'autel de la patrie, comme il en a déjà pris l'engagement. Mais le supérieur des Minimes doit s'excuser en communiquant au conseil la lettre qu'il vient de recevoir de l'évêque :

« On m'a dit, mon Révérend Père, que vous vous proposiez de dire la messe à l'autel que MM. de la municipalité font dresser sur la place. Pour éviter toute erreur de votre part, je crois devoir vous prévenir que Je n'ai pas pensé pouvoir donner la permission d'y célébrer, et, qu'en conséquence, aucun prêtre ne pourrait y dire la messe sans recourir à la dispense portée par les statuts du diocèse. Instruit soit par moi, soit par MM, de la municipalité que j'ai refusé cette permission, je suis bien assuré que vous vous excuserez de remplir les engagements conditionnels que vous pourriez avoir pris.

« Je suis, avec un sincère attachement, mon Révérend Père, votre très humble et très obéissant serviteur.

J.-Fr., év. de Léon ».

Le 13 juillet, à 8 heures du soir, la municipalité est de. nouveau convoquée. On décide d'envoyer sur le champ une invitation au R. P. Paulier, prieur de Saint-Fiacre, près de Morlaix (évêché de Tréguier), de venir remplacer son confrère.

Le R.P. Paulier accepte et arrive à Saint-Pol le 14 juillet vers 9 heures du matin. Le temps n'est pas des plus beaux, le vent souffle avec force. Le R. P. Paulier fait observer qu'il ne pourra peut-être pas officier sur la place. A sa demande, le conseil envoie vers le sieur Troërin, grand chantre de la cathédrale, une dêputation de trois officiers municipaux, décorés de leur écharpe et précédés d'un héraut, afin d'obtenir l'agrément du chapitre pour la célébration de la messe dans la cathédrale. Le sieur Troërin répond qu'il consultera le chapitre.
Comme à 11 heures aucune réponse n'est encore venue, l'assemblée municipale dépêche un nouveau hérault. On lui fait savoir que l'évêque a répondu « qu'il n'était pas décent qu'on fût allé de l'autel au théâtre ».
Il ne reste plus au conseil municipal qu'à faire prendre toutes les précautions « pour célébrer, sans risque de l'enlèvement de l'hostie, le saint sacrifice de la messe ».

Vers 11 h. 30, le conseil général, accompagné d'une garde d'honneur, de l'aumônier, du père prieur des Minimes et des autres religieux de sa communauté, se rendent sur la Grand'Place où a été dressé l'autel de la patrie, qui est décrit comme suit :

« Un autel à la romaine, décoré de quatre colonnes avec bases et chapiteaux, couvert d'un dôme surmonté dans son endroit le plus élevé d'une pyramide avec une couronne garnie de lauriers et de fleurs, les colonnes garnies également, ainsi que les espaces, les quatre ouvertures de l'édifice surmontées d'arcs de triomphe garnis de lauriers et les colonnes de pyramides d'une même hauteur, aussi garnies de lauriers ».

L'autel est encadré du carré des troupes de la garde nationale (lieutenant-colonel de Mézangeau) et des détachements des régiments de Normandie et de Beauce (commandant Dure), drapeaux en tête.
La messe est annoncée par un roulement de tambours, puis ensuite l'officiant, le R.P. Paulier prononce un sermon, dans lequel il s'attache à montrer les avantages de la nouelle constitution, exhorte les pères à élever leurs enfants dans des sentiments d'attachement à leur religion et à leur inspirer de bonne heure les sentiments de dévouement à la patrie, au roi, à leurs concitoyens.

Le maire prononce un autre discours, qu'il termine en prêtant le serment fédératif. Prêtent ensuite le serment : l'officiant et les religieux qui l'accompagnent, les officiers municipaux, les notaires, le procureur de la commune, les officiers, les troupes, les « écoliers » et une foule de citoyens.

L'officiant entonne le « Te Deum » en action de grâce de l'heureuse fédération qui unit à jamais tous les Français.

La fête se termine par une salve de 21 coups de canon et dans l'allégresse générale.

Kerhoant à l'honneur

Le 29/09/2023

 Kerhoant à l'honneur dans un nouveau livre de promenades à Plougoulm de Maryse Lacut, botaniste et guide de pays. La mairie de Plougoulm l'offrira aux nouveaux mariés.

 

 

Recouvrance avant le pont

Le 23/09/2023

Sur la rive droite de la Penfeld, vis-àvis de l'antique château féodal qui défend le port et la rade, existait déjà au xrve siècle, la chétive bourgade de Sainte-Catherine, groupe de cabanes de pécheurs, éparpillées sans ordre ni alignement autour d'un hospice et d'une petite chapelle érigée sous le vocable de Sainte-Catherine d'Alexandrie, vierge et martyre, d'où elle tirait son nom.

La motte seigneuriale, sur laquelle s'élevait la bastille de Quilbignon ou de la Motte-Tanguy, dominait orgueilleusement la bourgade qu'elle protégeait.

En 1346, un seigneur du Chastel, à la place de la chapelle Sainte-Catherine, en fonda une autre sous le vocable de Notre-Dame de Recouvrance, où L'on venait prier et faire des voeux pour la recouvrance et l'heureux retour des marins en mer, aussi la chapelle était-elle ornée de nombreux ex-votos. Lors de la construction de cette chapelle, le bourg Sainte-Catherine prit le nom de Recouvrance, conservé depuis.

L'ordonnance royale de 1681. réunissant les deux quartiers de la ville, n'empêcha pas Recouvrance de rester, pendant deux siècles encore, une cité armoricaine, où le breton se parlait plus couramment que le français. De là, un cachet local, des tournures de langage, des habitudes surannés, qui ne devaient disparaître qu'après la construction du Pont national,

Le port marchand occupait autrefois les deux rives de la Penfeld : quai Tourville, du côté de Brest ; quai Jean - Bart, à Recouvrance. Il commençait un peu en amont de l'endroit où se trouve aujourd'hui le Pont national pour
s'étendre jusque par le travers de la grille des Vivres. Comme sur le Ghamp-de-Bataille,

Pour Brest, c'est sur le quai Jean - Bart que battait le coeur du quartier de Recouvrance. Les retraités venaient là s'entretenir de leurs campagnes lointaines, contemplant mélancoliquement les vieux vaisseaux hors d'usage,
transformés en magasins flottants et devenus, eux aussi, des retraités de la flotte.

Par temps calme, nos vieux braves faisaient les cent pas le long du quai ; le suroît soufflait-il ? on s'abritait au pignon de la chapelle, discutant des choses de la mer et regrettant la disparition des navires à voiles, remplacés peu à peu par les bâtiments à vapeur.
Le long du quai, devant la chapelle, existait un platin d'une certaine étendue, découvertaux basses mers et composé de lambourdes reliées entre elles, mais à demi-enfoncées dans la vase : c'était la Fosse. Elle servait à l'abattage en carène des navires de commerce ayant besoin d'être radoubés ; en aval, vers la grille des Vivres, était une « pigoulière » pour le chauffage du brai et du goudron.

Transportés bouillants sur la fosse, ces produitsdégagent une fumée intense et répandent dans l'air leurs acres senteurs, qui prennent à la gorge.
Armés de leur « penne à guipon », des calfats enduisent le navire d'une couche noire, aux reflets métalliques, lançant à plein gosier ce refrain saturé de couleur locale :

Des calfats je suis le maître
Oui, c'est moi le vrai pur-sang...
Eh ! vite à la pigoulière.
Vlan les maillets en avant !

Cependant que les rossignols (on appelle ainsi les maillets de calfat) de leurs compagnons marquent la cadence d'un bruit assourdissant.
Un marché se tenait deux fois par semaine, sur le quai, entre la chapelle et la cale du passage, ainsi nommée à cause du service de bateaux spécialement affectés au passage de la rivière, entre Brest et Recouvrance.

Près de la cale du Passage, sur le quai, on voit un chantier de construction pour des canots et même de grosses chaloupes. De la grille des Vivres à celle de l'Arsenal, le rez-de-chaussée de chaque maison est occupé par une auberge ou une boutique, dans laquelle se débitent ces mille objets de gréement et de rechange nécessaires à l'armement des navires. La plupart des auberges ajoutent à leur enseigne ces mots : « Place à la chaudière », qui veulent dire que le cuisinier d'un navire pourra y installer sa coquerie.

On juge de l'animation que devaient donnera ce coin" de Recouvrance toutes ces industries bruyantes, réunies en un espace si restreint. Une autre cause d'animation, à certains jours de la semaine, était l'accostage du chaland chargé des copeaux et des résidus de bois, distribués gratuitement par la marine à des veuves de marins et d'ouvriers de l'arsenal.

Munies de lourds paniers ou de filets en grossiers cordages, les femmes transportent ces déchets de bois que, sous la direction d'un contremaître et des surveillants, on répartit en lots à peu près égaux, le long du mur des Vivres, dans la rue de l'Eglise et la rue de la Pointe. Malgré les mesures d'ordre, le partage ne va pas toujours sans dispute, et les surveillants sont souvent obligés d'intervenir pour rétablir la concorde parmi leurs subordonnées.

Jusqu'au milieu du XIXe siècle, les Recouvrancais croient encore au bugel-noz, aux viltansous, aux loups-garous.
A certains jours de la semaine, Recouvrance est envahi par les mendiants. On dirait une descente des truands de la Cour des Miracles. Dès le matin, ces miséreux, couvrant mal leur nudité sous des loques sordides, montrant comme à plaisir leurs plaies et leurs ulcères pour inspirer la pitié, alors qu'ils ne provoquent le plus souvent que le dégoût, s'en vont, de porte en porte, quêter une modeste aumône, recueillant un liard chez « les riches », un croûton de pain chez les humbles. Redoutés des uns, accueillis par les autres comme les membres souffrants de Jésus-Christ, ils reçoivent partout et ne quittent la place que la besace pleine, mais le gousset peu garni, car le plus souvent, après cet exode, les liards ajoutés aux liards n'ont guère produit une somme supérieure aux cinq sous du Juif-Errant,

Cependant, comme en toute chose se révèle un coin de poésie, une touchante coutume caractérisait ce passage « des pauvres ». Lorsque la jeune mère, portant son enfant dans les bras, venait remettre le morceau de pain au malheureux qui, à la porte du logis, susurrait un Ave, souriant au doux mignon qui lui tendait l'aumône, le pauvre, puisant dans sa besace, présentait à l'enfant un croûton qui devait lui apprendre bien vite à parler : aimable symbole de deux faiblesses se prêtant un mutuel secours.

Tel est le tableau, présenté aussi fidèlement que possible, des us et coutumes du vieux Recouvrance jusque vers 1860. Mais la construction du pont, en 1861, allait faire plus, en vingt ans, pour la fusion des deux quartiers de la ville, que ne l'avait fait, en deux cents ans, l'ordonnance de Louis XIV. Désormais, les vieilles traditions et les antiques coutumes allaient disparaître rapidement. Recouvrance, mis en relation avec Brest par un moyen facile de communication, allait sortir de sa torpeur et se mêler plus activement à la vie brestoise ; enfin, les citadins eux-mêmes eurent moins de mépris pour le faubourg déshérité de la rive droite, qu'ils daignèrent, dès-lors
visiter quelquefois.

TOSCER.

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