Créer un site internet

Des nouvelles du passé, l'actualité du site...

Le crime de Keravel

Le 25/04/2021


Assises de Bretagne

FINISTERE

2e SESSION DE 1907

Présidence de M. Baudet, conseiller à la cour d'appel de Rennes

Audience du 19 avril

LE CRIME DE ROSCOFF

Assassinat et vol qualifié


La Dépêche de Brest. Pierre-Marie Guivarch, sur lequel pèse une aussi lourde accusation, est un homme de taille moyenne, âgé de 38 ans, figure osseuse, vêtu à la mode des paysans du Léon. Très loquace, il déclare que « ce n'est pas lui qui a fait le coup ».

Voici les faits qu'on lui reproche :

Le 24 juin 1906, la gendarmerie de Saint-Pol de Léon était avisée, vers 1 h. 1/2 du soir, qu'un sieur Jean-Marie Urien venait d'être trouvé assassiné chez son oncle et patron, Jacq, cultivateur à Kéraval, en Roscoff.

Le crime avait dû être commis entre neuf heures et midi et demi.

Surprise à l'improviste, pendant qu'elle mangeait, la victime avait été assommée de cinq coups violents d'une pièce en bois, retrouvée maculée de sang, puis avait eu fa gorge sectionnée dans toute sa largeur par un couteau, vraisemblablement mal aiguisé.

L'assassin était ensuite monté au 1er étage de la maison Jacq et s'était emparé, dans une armoire, d'une 6omme de 2.000 francs, composée' de pièces d'or de 20 francs, de deux billets de banque de 100 francs, de 500 ou 600 francs en pièces d'or également et de deux ou trois pièces de cinq francs en argent.

Très au courant de la maison, il n'avait commis aucune effraction ; sans aucune hésitation, il s'était emparé de la clef de l'armoire, posée sur le haut de ce meuble, et n'avait, pour découvrir l'argent caché, bouleversé ni linge ni vêtements.

Le soir même du crime, le parquet de Morlaix était prévenu qu'un paysan, à la mode de Saint-l'ol, chaussé d'espadrilles, d'aspect peu fortuné, mais paraissant muni d'une forte somme d'argent, s'était fait conduire, en voiture, dans une maison spéciale. Il avait bu, mais n'était pas ivre.

Conduit au commissariat de police, il déclara se nommer Guivarch, être originaire de Plouzévédé, mais il refusa d'indiquer son domicile et celui de son patron. On sut toutefois, qu'à diverses reprises, il avait été employé dans la maison de Jacq.

Il affirma être venu de Saint-Pol à Morlaix à pied et ne posséder qu'une somme de 117 fr. 50, qu'il déposa sur la table.

Au même instant, le cocher qui l'avait conduit apporta deux sabots maculés de sang oubliés par son client dans la voiture.

Guivarch protesta et déclara qu'ils ne lui appartenaient pas ; puis, brusquement, se voyant accusé de l'assassinat d'Urien, il se jeta à genoux en demandant pardon et en affirmant qu'il était innocent.

11 reconnaît cependant que les sabots lui appartenaient, et pour ajouter à la surprise que causait aux spectateurs cette scène étrange, l'agent de police qui fouillait Guivarch relira de la poche de son gilet une somme de 1.380 francs, alors qu'il venait de déclarer ne posséder aucun autre argent que les 117 fr. 50 déposés par lui sur la table. Il déclara que ces 1.380 francs représentaient toutes ses économies.

Son attitude à la maison spéciale n'avait pas été moins surprenante, non seulement il avait dépensé sans compter, mais, demeuré seul avec sa compagne, il était resté silencieux et pensif, la tête appuyée danssa main; puis, brusquement et sans raison, il avait demandé à cette femme ce qu'elle dirait s'il la tuait, et enfin, à plusieurs reprises, sans aucun motif, il lui avait demandé nerveusement s'il lui avait fait mal, alors qu'il ne l'avait même pas touchée. En outre, cette femme aperçut très distinctement des taches de sang sur la manche de chemise de Guivarch.

Depuis le début de l'information jusqu'à sa clôture, l'accusé a perpétuellement varié sur l'emploi de son temps le jour du crime. Il a d'abord prétendu être demeuré à Saint-Pol de neuf heures à midi, à jouer aux dominos, dans divers cabarets, être arrivé à Morlaix par le train de 3 h. 1/2 (il avait déclaré au commissaire être venu à pied) et s'être aussitôt rendu à la maison en question. Puis, revenant sur ses déclarations, il affirma être demeuré à la gare de 3 h. 1/2 à 7 h. 1/2, s'amusant à regarder passer les trains et n'être rentré à la maison qu'à7 h. 1/2, alors qu'il avait déclaré à la dame Tudal, hôtelière à Morlaix, chez laquelle il avait dîné, qu'il était arrivé à Morlaix, par le train de huit heures du soir et qu'il devait repartir pour Roscoff à dix heures. Il était arrivé, en effet, à Morlaix à 8 h. 1/2 du soir, heure à laquelle il demanda au voiturier Salaun, après avoir acheté des espadrilles, de le conduire en ville. Celui-ci le mena d'abord chez l'hôtelier Tudal, puis Guivarch se fil conduire où l'on sait.

Malgré ses dénégations, en effet, il est établi qu'il est demeuré à SaintPol de Léon jusqu'à 6 h. 1/2 du soir.

Interrogé sur la provenance des 1.500 francs trouvés en sa possession, il a répondu que c'était là toutes ses économies et qu'il ne possédait rien de plus. Puis, invité à s'expliquer sur ce fait que, en tenant ses affirmations pour exactes, ses dépenses exagérées du 24 juin n'auraient entamé ses 1.500 francs que de 2 fr. 25 ; il déclara ne pas vouloir répondre. Il s'expliquera cependant un peu plus tard et déclarera avoir gagné cet argent chez trois marchands de chevaux, MM. Chanvielet et Coutuis, à Bordeaux, et Bergès, à Carcassonne. Or, l'instruction a prouvé qu'il n'avait jamais travaillé, pendant des années, ainsi qu'il l'affirme, chez des éleveurs et qu'en tout cas, il avait été congédié par eux, à cause de son ivrognerie, de sa paresse et de son inconduile.

Pour expliquer les tracés de sang relevées sur ses sabots, sur sa chemise et sur son couteau, il déclara au gardien chef de la maison d'arrêt qu'il avait saigné du nez à la suite d'un choc sur un mur.

Devant le juge d'instruction, il prétendit que son saignement de nez avait été spontané, dû à la chaleur, et qu'il en avait souffert, vers six heures ou 6 h. 1/2 du matin, à Saint-Pol, le jour du crime, au moment où il allait quitter son domicile.

Il a déclaré au juge d'instruction que le sang trouvé sur son couteau provenait de la trace de ses doigts ensanglantés, qu'il avait appliqués sur son cou pour arrêter le saignement de nez.

Au gardien chef, il a déclaré que si ce sang existe il a été mis par les agents de police. Il n'a pu fournir aucun alibi.

M. le procureur Le Marchadour occupe le siège du ministère public. Me Verchin est au banc de la défense.

On remarque, comme pièces à conviction, des effets ensanglantés, des sabots, un pieu de charrette, un couteau, etc.

L'interrogatoire

Après la lecture de l'acte d'accusation, M. le président procède à l'interrogatoire de l'accusé.

M. le président, après avoir constaté l'identité de l'accusé, fait connaître que les renseignements recueillis sur lui ne lui sont pas trop défavorables ; ses parents n'ont pas bonne réputation.

D. — Des cultivateurs, qui vous ont employé, vous représentent comme sournois ?

R. — Je ne cause pas beaucoup.

D. — Ils disent également que vous n'aviez pas d'argent ?

R. — C'est vrai.

D. — Vous avez été arrêté le jour même du crime, le 24 juin, dans des circonstances dramatiques ; puis, plus tard, vous vous êtes plaint des lenteurs de l'instruction ?

R. — Oui.

M. le président. — Il ne faut vous en prendre qu'à vous-même. « Aide-toi et le juge t'aidera », voilà quelle doit être la maxime du prévenu; et vous avez fait des déclarations mensongères; le juge d'instruction s'est épuisé en efforts, et c'est par votre propre fait que la clôture de l'information a été retardée.

D. — Vous avez donné des défaits très minutieux sur cette affaire. Vous avez dit que vous n'aviez pas bougé de Saint-Pol de toute la journée, que l'argent trouvé sur vous avait été gagné par vous chez des éleveurs, à Bordeaux, et que vous l'aviez caché dans un sabot chez votre logeuse, Mme Corre; enfin, au sujet du sang trouvé sur vos sabots, vous avez dit qu'il provenait d'un saignement de nez ; toutes ces déclarations, vous les avez faites volontairement, puis vous avez subitement regretté de parler et le lendemain vous ayez pris une altitude particulière, refusant même qu'on vous donnât un conseil (défenseur) ?

R. — J'ai dit ce que je me rappelais.

M. le président. — Vous avez dit, en effet, et vous prétendez encore que vous étiez ivre en arrivant à Morlaix ; vous avez même déclaré que vous ne vous rappeliez pas ce qui s'est passé dans la maison où vous êtes allé; vous ne vous rappelez même pas avoir été arrêté ?

L'accusé ne répond pas.

M. le président relève les nombreuses contradictions qui existent dans les différentes versions faites par l'accusé, tant au cours de 1 instruction qu a cette audience.

A un moment donné, on représente à Guivarch les pièces à conviction et, comme M. le président lui fait remarquer qu'il y a quelques gouttes de sang sur la lame de son couteau, il répond : « C'est de l'eau de mer. »

M. le président. — Nouvelle version.

Q. — Vous avez tout d'abord refusé de reconnaître que les sabots vous appartenaient.

R. — J'ai toujours dit qu'ils étaient à moi.

M. le président. — Des témoins vous diront le contraire.

D. — Vous rappelez-vous celte scène ou vous vous êtes mis à genoux en vous écriant que vous étiez innocent de l'assassinat du malheureux Urien ?

R. —Je ne me suis jamais mis à genoux.

M. le président. — C'est entendu, tout le monde ment, les magistrats, la police et les témoins.

D. — Je vous le répète, votre attitude est étrange et on vous trouve très souvent en contradiction avec vous-même ; à un moment donné, comme on vous demande l'emploi de votre temps, vous répondez brusquement : « Je ne veux plus rien dire, j'ai déjà trop causé » ; ce n'est pus là l'attitude d'un innocent ?

Guivarch baisse la tête et ne répond pas.

M. le président. — Vous ne voulez pas répondre parce que vous n'avez pas d'avocat, puis vous demandez Me Buet ; vous ne répondez pas davantage ; alors on vous désigne Mo Le Febvre, et à peine ce dernier s'est-il présenté que vous ne voulez plus d'avocat. A partir de ce moment, il est impossible de vous arracher une explication.

D. — Vous possédiez 1.500 francs, diles-vous, et vous ne payiez pas vos dettes ; vous ne payiez même pas vos logeuses.

R. — Pardon.

D. — Vous redevez encore une certaine somme à Mme Le Corre.

R. — Oh! peu de chose.

M. le procureur de la République. — Il a laissé sa valise en gage, c'est bien une preuve qu'il lui doit quelque chose.

D. — Ainsi vous prétendez toujours que vous avez ramassé cette somme importante il y a plusieurs années, quand vous étiez à Bordeaux ?

R. — Oui.

M. le président. — Vous êtes en contradiction sur ce point encore avec les témoins. Ainsi depuis douze ans vous avez un trésor auquel vous n'avez touché et le jour du crime, une somme de même nature, déposée chez Jacq, se retrouve sur vous ; avouez que c'est une coïncidence bien étrange !

R- — C'est pourtant comme cela.

M. le président. — En résumé, l'accusation porte sur quatre points principaux: votre attitude à Morlaix, devant les magistrats et le commissaire de police, l'emploi de votre temps, l'origine de l'argent trouvé sur vous, et l'origine du sang humain trouvé également sur vous ; enfin, vos explications constamment contradictoires. Aujourd'hui que vous avez un défenseur loyal et dévoué, persistez-vous dans ce que vous avez déclaré à M. le juge d'instruction !

R. — Certainement, je ne me dédis pas.

L'audition des témoins

Il n'y en pas moins de 33 ; mais, sur ce nombre, nous ne retiendrons que les principaux témoignages, la plupart ayant trait à l'emploi du temps de l'assassin.

Le brigadier Le Moal raconte les circonstances dans lesquelles il a procédé à l'arrestation de Guivarch. C'était dans la rue, au moment où il sortait d'une maison spéciale de Morlaix ; il était ivre. En le fouillant, il trouva sur lui une somme de 118 fr. 50 et un couteau. Presque aussitôt, l'agent Derrien rapportait une paire de sabots tachés de sang, qu'il venait de trouver dans la voiture qui avait amené Guivarch.

Le brigadier Le Moal lui ayant dit : « C'est vous qui avez assassiné Urien ? », Guivarch se mit à genoux deux ou trois fois, disant : « Pardon, ce n'est pas moi qui l'ai assassiné. »

Plus tard, fouillant de nouveau Guivarch, le témoin découvrit une somme de 1.380 francs, en pièces de 20 francs, provenant, d'après l'accusé, de ses économies.

Joseph Jacq, cultivateur à Saint-Pol, raconte que, le jour du crime, en revenant de la première messe, il a trouvé en rentrant chez lui son neveu Urien étendu sur le ventre, à terre, dans une mare de sang, et à l'état de cadavre ; le malheureux tenait une pipe dans la main gauche et un couteau ouvert dans la main droite,

Après avoir visité son armoire, il constata la disparition d'une somme de 2.000 francs.

Sur interpellation : « J'ai employé Guivarch, l'hiver dernier (1905), comme journalier. »

Charlotte Bouguin, dite Yvette, 25 ans, à Morlaix, déclare que, le 23 juin au soir, un paysan l'accompagna dans sa chambre et lui remit cinq francs. Cet homme, sappuyant la tête sur le lit, resta pensif. Le témoin lui dil alors : « Tu as l'air d'avoir du chagrin ? » L'homme répondit que non, qu'il ne se faisait pas de bile. Le témoin ajoute : Quelques moments après, il me passa la main sur la poitrine en me disant : « Et si je te tuais, qu'est ce que tu dirais ? » Je lui répondis : « Je me sauverais au plus vile. » Il répliqua : « Ne crains rien, je ne te ferai pas de mal, c'est pour rire que je te dis cela. »

Guivarch est. ensuite descendu en disant : « Tout ce que je te demande, c'est de m'éclairer », puis il est sorti, et c'est alors que les agents l'ont arrêté.
Mme Tudal, patronne du « Lion d'Or » à Morlaix, dépare que, le 24 juin, un individu originaire de Saint-Pol de Léon, qu'elle a su plus tard être l'accusé, est arrivé chez elle à 8 h. 30 du soir, dans une voilure de l'hôtel. Il a dit qu'il venait d'arriver par le train de huit heures venant de Saint-Pol et qu'il fallait que la voiture l'attende pour le reconduire à la gare.
Guivarch est resté environ une demi-heure à l'hôtel et a dû partir de cet établissement vers 9 h. 15. Or, ajoute Mme Tudal, le train de Saint-Pol, ne partant qu'à huit heures, Guivarch aurait eu grandement le temps de le prendre s'il avait voulu.

M. Fannie, gardien de prison à Morlaix, fait connaître que Guivarch, en recevant une lettre de Me. Huet, avocat, se mit en colère et s'écria : « Puisqu'ils ne veulent plus me défendre, je ne veux plus de défenseur ; ils se sont tons entendus et c'est une affaire préparée d'avance ; qu'ils m'envoient donc à la guillotine pour les autres; d'ailleurs,je me laisserai mourir autrement; on m'a pris tout mon argent qui était le mien, comment veut-on que je paie un avocat ? »

L'ancien cocher de l'hôtel du « Lion d'Or », Jules Salaùn, actuellement sellier à La Chézel (Côtes-du-Nord), déclare que, le 24 juin, à 8 h. 30 du soir, il a conduit Guivarch, venant de Brest, à l'hôtel ; puis vers dix heures, il le reconduisit à la gare, mais, le train étant parti, Guivarch se fit conduire dans une maison spéciale vers 10 h. 15.

Anne-Marie Daniélou, 17 ans, cabaretière près la gare de Saint-Pol, affirme que Guivarch a pris une consommation chez elle le 24 juin, vers 6 h. 1/2 du soir.

D'autres témoins viennent déclarer qu'ils l'ont vu, vers cette heure-là, à Sainl-Pol et, dans la matinée, vers 9 h. et 11 h. du malin, 4 h. 1/2 et 6 h. du s'«ir.

M. le docteur Bodros, médecin-légiste, expose avec beaucoup de clarté les constatalions qu'il a faites sur le cadavre de la victime. Le crâne comportait cinq blessures, toutes mortelles, ayant occasionné sous la voûte crânienne un épanchement sanguin considérable. Au cou, une large plaie béante, s'étendanl d'un angle du maxillaire inférieur à l'autre ; la section avait porté immédiatement au-dessus du larynx et comprenait tous les muscles, l'oesophage, la carotide et la jugulaire droite. Au dire de l'honorable expert, cette énorme plaie a été faite au moyen d'un instrument coupant court et mal aiguisé, car on remarquait des hachures sur la peau. L'hémorragie avait été si abondante, dit M. le docteur Bodros, qu'une véritable mare de sang avait inondé le sol près d'un banc-clos, où on a relevé le cadavre.
L'honorable médecin-légiste conclut ainsi : « La victime a été assommée par derrière avec un instrument contondant, manié avec une force extrême. Cet instrument n'est autre qu'un pieu de charrette, long de 60 centimètres, pesant environ deux kilos, pointu d'un bout, une véritable massue. « Ce sont ces coups qui ont déterminé la mort ; la section du cou n'a dû être faite qu'ensuite.

Les agents de police Derrien et Jaffrennou affirment qu'au moment où Guivarch a été arrêté il n'était pas ivre. Ils ont remarqué, au commissariat de police, que Guivarch pâlissait et que son visage se couvrait de sueur. Le brigadier, voyant cela, lui demanda s'il avait peur, ce à quoi Guivarch répondit que. non, qu'il avait chaud.
Guivarch. — Je ne me souviens pas de ça.

L'audience est renvoyée à samedi

Le président félicite les agents de police de Morlaix de l'intelligence avec laquelle, en vertu des ordres donnés, ils ont procédé à l'arrestation de Guivarch. A six heures, après l'audition de 21 témoins, l'audience est levée pour être reprise aujourd'hui samedi, à huit heures.

L'audition des témoins Continue.

Guivarch fournit des explications sans se départir de son système de défense, qui consiste, on le sait, à nier ce qui l'embrasse, ou bien à dire qu'il ne se souvient pas. A l'occasion, tl donne des démentis aux témoins.

A un moment donné, il dit : « Depuis dix mois que je suis en prison, je suis complètement abruti. »

M. le président.— Mais vous n'étiez pas abruti quand, les premiers jours, M. le juge d'instruction vous a demandé des explications.

Marie-Yvonne Caroff, femme Corre, qui logeait l'accusé, déclare qu'elle ne lui a jamais vu d'argent entre les mains.

Elle affirme également que Guivarch est sorti de la maison vers 8 h. 1/2 et n'est revenu qu'à quatre heures du soir. Or, Guivarch a prétendu qu'il était revenu, dans la journée, chercher son trésor.

Le témoin donne également un démenti à l'accusé sur son prétendu saignement de nez, Guivarch n'étant pas sorti, comme il l'affirme, pour aller dans la cour, vers 6 h. 1/2 du matin.

Guivarch avait prétendu que le billet de cent francs qui faisait partie de la somme trouvée sur lui provenait de la femme Roignant. Cette dernière, appelée comme témoin, soutient énergiquement le contraire, Guivarch persiste.

M. Fannie, gardien chef de la maison d'arrêt de Morlaix, clôt la série des témoins.


Le dimanche 24 juin, dit M. le procureur Le Marchadour, ce fut un singulière émotion, dans le pays si tranquille de Roscoff, lorsque parut la nouvelle de l'assassinat commis au village de Kéravel, émotion justifiée par l'horreur de ce crime accompli avec une férocité inouïe, et aussi par cette terreur vague qui pesait sur cette population inquiète sur l'identité de l'assassin. Celui qui avait commis ce crime n'était pas un étranger qui passe, qui erre et qu'on ne voit plus. Non, il était certain que son auteur était un homme du pays et qui avait travaillé dans le village de Keravel.

L'organe du ministère public raconte dans quelles conditions le crime a été commis. Il n'apportera pas dit-il de preuves matérielles, car il n'y a pas de témoins directs, mais pour rassurer les consciences des jurés , pour leur permettre de répondre en toute sécurité, il l lui suffira de leur apporter un faisceau de preuves graves, précises et concordantes, n'offrant aucune fissure qui permette de laisser passer un doute.

M. Le Marchadour prétend que les actes que Guivarch a commis ne peuvent avoir d'autre hypothèse que la preuve certaine de sa culpabilité et immédiatement il se livre à un examen minutieux et complet des détails de l'accusation.

Il établit la présence de Guivarch sur le lieu du crime, il montre son attitude et ses démarches incohérentes pendant les heures qui ont suivi; ses dépenses succzsives dans les cabarets, où il payait à boit'e à tout le monde, lui qui a des habitudes parcimonieuses et qui ne gagne pas ; la scène caractéristique de la maison dans laquelle il a laissé échapper la manifestation de ses pensées intimes, du remords qui étouffait sa conscience.
D'autre part, M. Le Marchadour n'a pas de peine à démontrer l'impossibilité dans laquelle se trouvait l'accusé d'avoir une somme de 1.500 francs en sa possession. Il n'a pas de peine, également, à détruire son système de défense en ce qui concerne l'origine du sang humain trouvé sur sa chemise, sur son couteauet sur ses sabots.

« Il n'y a pas, dit en terminant l'organe du ministère public il n'y a pas que le hasard qui puisse produire les coïncidences que je viens de vouexposer. vous avez à vous demander si tous ces faits sont explicables individuellement et par groupe ; vous répondrez oui car il n'y a pas d'autre interprétation possible. Vous avez à juger un crime sans excuse, sans atténuation. L'heure est venue, pour le juge comme pour le juré de montrer aux criminels qu'ils sont armés contre eux. La société a besoin d'être protégée plus que jamais, c'est pourquoi, vous qui avez le devoir de faire des exemples, vous saurez remplir votre mission avec fermeté en proportionnant la gravité de la peine à la gravité du crime.

Me Verchin dit qu'il n'aborde pas ces débats avec la même conviction avec la même sérénité que M. le procureur de la République ; il l'aborde, au contraire avec une vive conviction et avec tout le souci des responsabilités qui lui incombe.
L'honorable défenseur discute aussitôt les charges d'accusation. Dans une argumentation énergique et serrée, il  soutient qu'elle manque de base, qu'elle n'apportee aucune preuve directe, aucune preuve matérielle et que, dans ces conditions, surtout dans une affaire aussi grave un jury ne peut apporter un verdict de culpabilité.
II dit, en terminant : « Si, parfois, votre rôle est de rendre un verdict humain, inspiré par la pitié, vous avez un autre rôle à remplir, c'est la souveraine justice la justice absolue; vous êtes des hommes, par conséquent sujets à 1 erreur. Ce n'est pas sur des vraisemblances que vous pouvez etayer un verdict de condamnation dans une affaire capitale comme celle-ci ; je laisse donc à vos convictions, à vos consciences, le soin de juger cet homme et d'apprécier cette affaire comme elle le mérite, c'est-à-dire en rapportant un verdict négatif inspié par la sagesse et la prudence. »


Le jury ayant répondu affirmativement à toutes les questions avec admission de circonstances atténuantes Guivarch est condamné aux travaux forcés à perpétuité. Il mourra après deux ans de bagne.

 

Un petit cadavre dans l'Horn

Le 15/04/2021

Pour éviter le deshonneur


Les époux Kerguillec, habitant au Stang, en Plougoulm, avaient antérieurement à leur mariage, célébré le 13 août 1921, entretenu des relations et la femme Kerguillec était à cette date enceinte de plusieurs mois.
Elle dissimula sa grossesse autant qu'elle le put et, d'un commun accord, les deux époux résolurent de faire disparaître l'enfant dont la naissance prématurée aurait jeté le déshonneur sur la famille.
La femme Kerguillec accoucha a son domicile, au terme normal, dans la matinée du 21 septembre 1921, en présence de son mari qui ne sollicita le secours de personne et aida seul sa femme à se délivrer.
La femme Kerguillec a déclaré qu'elle avait senti à ce moment l'enfant remuer, mais qu'elle ne l'avait pas entendu crier. Le mari confirmait les dires de sa femme. Tous deux crurent l'enfant mort. Le mari l'enveloppa dans un drap, le déposa dans une terrine qu'il jeta ensuite dans la rivière l'Horn qui passe près de leur habitation.

Jusqu'au 25 septembre, le fait demeura ignoré. Ce jour-là, le père de l'accusé aperçut le cadavre flottant sur l'eau et l'amena à la rive. Les constatations médicales ont établi que l'enfant était du sexe féminin, né à terme, vivant et viable, et avait largement respiré ; enfin, qu'il était mort par asphyxie.
Mais aucune trace de violence n'a été relevée sur le corps, et les causes comme les circonstances de l'asphyxie sont demeurées inconnues.
L'enquête amena la misa en cause des époux Kerguillec qui protestèrent d'abord contre le soupçon formulé à leur égard. La femme affirma n'avoir eu qu'une simple perte survenue au bout d'une grossesse de quatre mois. Quand le fait de son accouchement fut établi, Kerguillec, de son côté, nia que le cadavre retrouvé dans l'Horn fût celui de son enfant. L'un et l'autre ont dû reconnaître la vérité en présence des données de l'information, et finalement l'accusé a passé des aveux.

Les renseignements fournis sur son compte lui sont favorables. Pas d'antécédents judiciaires.

L'accusé est introduit.

Le président, M. le conseiller Cahierre, fait le récit détaillé des faits contenus dans l'acte d'accusation. Certains détails dénotent que l'accusé n'a passé des aveux que lorsqu'il lui a été  impossible de faire autrement, particulièrement en présence des déclarations du médecin-légiste. U prétend toutefois que seule sa femme désirait que sa grossesse ne fût -pas connue et que, s'étant lui-même absenté après l'accouchement, pendant un quart d'heure environ, il trouva l'enfant mort à son retour.

Les témoins

Le docteur Rolland, médecin-légiste, de Morlaix, appelé à visiter la femme Kerguillec sur invitation du juge d'instruction, conclut à un accouchement normal et indique que toutes constatations se refusent à admettre une perte de quatre mois. Appelé de nouveau lorsque l'enfant fut trouvé dans l'Horrn, le docteur Rolland n'a pas pu déterminer la façon dont l'enfant, né vivant et viable, est mort.
Un médecin a délivré imprudemment un certificat à la femme Kerguillec qui servit à celle-ci à établir son système de défense lorsque, au début de l'instruction, elle fut accusée d'infanticide.
Différents témoins sont entendus suivant pouvoir discrétionnaire : ce sont des parents de l'accusé et de sa femme, tous braves et honnêtes gens de nos campagnes.
La femme de l'accusé répond à voix basse aux questions de M. le président ; elle confirme ses dires antérieurs et c'est elle qui a eu l'initiative de la disparition de l'enfant.

— J'avais honte, dit-elle, d'avoir un enfant conçu avant le mariage.

— C'est maintenant qu'est la honte, répond M. le président; le mariage avait réparé la faute.

Le réquisitoire

M. le substitut Lépingle, après un réquisitoire très serré, au cours duquel, il fait nettement ressortir les mensonges du mari et de la femme, se demande â qui incombe la responsabilité du
crime « Autant a l'un qu'à l'autre, dit-il, le rôle de la femme Kerguillec ayant été aussi peu brillant que celui de l'homme ». Il demande un châtiment qui ne permette pas qu'on passe l'éponge sur les infanticides, avortements, etc., qui ont une répercussion sur la natalité français à tel point que les pouvoirs publics s'en préoccupent.

Kerguillec n'a d'ailleurs exprimé aucun regret.

La plaidoirie

Me Lefebvre, du barreau de Morlaix, démontre qu'il n'y a pas infanticide, mais simplement suppression d'enfant; il fait remarquer que l'enfant était mort au moment où il fut jeté à la rivière. Comme marin, Kerguillec a bien servi son pays. Comme homme dans la vie privée, rien que de bons renseignements.
Il le montre soumis à l'influence de sa femme et se sert très habilement de l'argument dont M. le substitut s'est lui-même servi dans son réquisitoire : la responsabilité de la femme Kerguillec.

M. Lefebvre demande l'acquittement de son client.

Le verdict

Après un quart d'heure de délibération, le jurv revient avec un verdict aftirmatif, à la majorité de une voix, en ce qui concerne la suppression d'enfaut. Les circonstances atténuantes sont admises à la majorité.

Kerguillec est condamné à un an de prison avec sursis.

 

Le marché d'hommes

Le 12/04/2021

La Dépêche, 8 avril 1907

Saint-Pol-de-Léon
L'ouvrier agricole au conseil municipal. — Il existe ici un marché ouvrier, plus connu sous le nom pittoresque de « marché d'hommes ».

Ce marché est si ancien qu'on ignore l'époque où il a commencé.

Il se tient, chaque matin, sur la place du Parvis.

Nous avons déjà exposé dans ce journal même la vie rude et précaire des « placenners ».

C'est un dur métier que celui d'ouvrier des champs du canton de Saint-Pol. Sa vie est réellement une épreuve, un long jour de fatigue. Ne le voit-on pas, l'été, debout à une heure, et au travail, de 2 h. 30 ou trois heures du matin à 8 h. 30 du soir !

Est-il, quelque part, une pareille dépense de forces ?

En ouvrant la séance extraordinaire, qui va leur être consacrée en grande partie, M. de Guébriant, maire, nous apprend que la municipalité s'était préoccupée, plusieurs fois, de la misérable existence de labeurs et d'inquiétudes du « placenner ». Sa besogne est excessive, son repos dérisoire.

« Il est urgent d'améliorer son sort », ajoute le maire.

Précisément, M. J.-M. Moal, un des deux conseillers récemment élus, avait écrit à M. de Guébriant à cet égard.

En attachant le grelot, il a fait une bonne oeuvre.

L'alfaire, très étudiée par M. le maire et M. Francis du Penhoat et Le Morvan, adjoints, est clairement exposée au conseil.

On vote d'abord sur cette question de principe : « Le marché ouvrier sera-t-il réglementé ? » Il est répondu « oui », à l'unanimité, non sans que M. Moal ait préalablement demandé le vote nominal.

« Dans une affaire de cette importance, a-t-il dit, chacun doit prendre publiquement la responsabilité du vote qu'il émettra. »

Le conseil décide ensuite, toujours à l'unanimité, que le marché se tiendra dans un local à déterminer.


Les halles sont choisies, à la majorité, après intervention de MM. de Guébriant, du Penhoat, Moal, Le Lez, etc.

MM. Créac'h et Kervellec, entre autres, auraient préféré dans l'intérêt des ouvriers, que leur engagement eût lieu, comme par le passé, sous le porche de la basilique ou sur la place du Parvis.

M. Créac'h, combattu principalement par M. Moal, a, sur ce sujet prévu ou soulevé des difficultés qui n'en seront point, à notre avis, devant l'arrêté municipal.

Celui-ci, conformément à l'avis des conseillers réglera ainsi l'heure d'ouverture du marché.

Du 1er avril au 15 octobre : quatre heures ;
Du 15 octobre au ler avril : 5 h. 30.
(Motion Joseph Macé).

M. Créac'h remarque que « c'est trop tard », ce qui provoque une hilarité à peu près générale. Elle recommence quand il propose quatre heures.

« A quelle heure fait-il jour en novembre, décembre, janvier et février ? queslionne-t-on de différents côtés. »

Exceptionnellement, pendant le temps de la fenaison et de la moisson, c'est-à-dire du 15 juillet au 15 septembre (proposition de MM. Le Lez et de conseillers ruraux), la louée aura lieu à 3 h 30.

M. le maire termine la discussion en déclarant qu'il tiendra la main à ce que les décisions prises soient exécutées.

Personnellement, dans une plaquette intitulée : « L'ouvrier agricole de Saint-Pol de Léon », nous avions, il y a deux ans passés, exprimé le désir de voir réglementer le marché ouvrier.

Aujourd'hui, c'est chose faite.

En la circonstance, le conseil municipal de Saint-Pol de Léon aura pour lui non seulement l'opinion publique, mais, ce qui est mieux, la conscience publique.

Une affaire de lettres anonymes

Le 11/04/2021

M. Paul Le Berre, 49 ans, bourrelier au Guern, en Guiclan, et sa femme, ont porté plainte pour dénonciation calomnieuse et insultes contre Mme Penguilly et sa fille, leurs voisines. Depuis
deux mois, Mme Penguilly et sa fille accusent Mme Le Berre d'avoir expédié des lettres anonymes au fiancé de Mlle Penguilly, M. Louis Le Faou, demeurant à Kerlidou, en Plouvorn, afin d'empêcher le mariage.

M. et Mme Le Berre se défendent énergiquement et affirment qu'ils ne connaissent pas M. Le Faou. De plus, le 31 décembre 1934, vers 16 heures, Mme Le Berre revenait de prendre de l'eau à une fontaine située à 200 mètres de son habitation quand elle rencontra Mme Penguilly qui l'insulta. Aux cris poussés par sa femme, M. Le Berre accourut et aurait été frappé d'un coup de croc servant à l'arrachage des pommes de terre, par Mme Penguilly. Quelques instants après, M. Le Berre aurait été grossièrement insulté par Mlle Penguilly.

Mme et Mlle Penguilly, bien qu'un témoin ait déposé contre elles, nient tous les faits que leur reprochent M. et Mme Le Berre.

Elles soupçonnent ces derniers d'être les auteurs des lettres anonymes parce que sur l'une de ces lettres, on invitait M. Le Faou à se rendre au moulin de la Villeneuve, en Plouvorn, où des
renseignements devaient lui être communiqués. Or ce moulin de la Villeneuve est habité par une soeur de Mme Le Berre.

Quoi qu'il en soit, la lâcheté de l'auteur des lettres anonymes aura provoqué des incidents pénibles entre deux familles honorablement connues. Souhaitons que le coupable soit découvert et châtié comme il le mérite.

La Dépêche, 7 janvier 1935.

La destruction du Moulin-Neuf

Le 10/04/2021

La Dépêche de Brest, vendredi 28 juillet 1933.

Dans la nuit de mercredi à jeudi, un incendie se déclara dans le moulin dit Moulin-Neuf, en Plougourvest, appartenant à M. Louis Siohan.
L'alarme fut donnée vers 23 h. 30, par le jeune garçon meunier et les premiers secours s'organisèrent difficilement. Le Moulin-Neuf est, en effet, très isolé ; situé sur le cours supérieur de l'Horn, la rivière de Plougoulm, à deux kilomètres du nord-est de Plougourvest, il est distant de trois-cents à cinq-cents mètres des villages les plus rapprochés, Goas, Cadougen et Kerscao, de quatre à cinq kilomètres de Plouvorn et d'au moins sept kilomètres de Landivisiau.

Des secours furent demandés à ces différents centres. Le Moulin-Neuf est bien relié par le téléphone (inutilisable la nuit), malheureusement.

Les personnes de bonne volonté affluèrent de partout : de Plougourvest, Bodilis, Plouvorn, Landivisiau, etc. Le corps de sapeurs-pompiers de Landivisiau, avec son important matériel, arriva sur les lieux, mais avec un certain retard, très regrettable d'ailleurs, car, l'incendie avait pris très rapidement une grande extension.

L'eau ne manquait pas, les bras non plus. Mais comment lutter à l'aide de simples seaux contre un pareil fléau !
En peu de temps, tout le bâtiment servant de minoterie, long d'une dizaine de mètres et composé d'un seul étage, avec sous-sol devenait la proie des flammes, hautes d'une dizaine de mètres. La toiture entière attenant à la minoterie subit le même sort. Les sauveteurs réussirent toutefois à en dégager une fournée de pain.

A l'arrivée des sapeurs-pompiers de Landivisiau, vers 1 h, le feu était déjà à peu près circonscrit; il menaçait encore un troisième bâtiment où était enfermé un important moteur. Le travail efficace de la moto-pompe, rapidement mise en action, arrêta bientôt ce nouveau foyer.

Tout danger était ainsi écarté pour un quatrième bâtiment relié à la fois à ce vaste foyer et à la maison d'habitation, une jolie et importante construction toute neuve qui ne subit, heureusement aucun mal. Les pompiers s'appliquèrent alors à noyer les décombres pour sauver autant, que possible le matériel enseveli que les flammes avaient peut-être épargné.

Le travail se fit un peu à l'aveuglette: la nuit était sombre et les lanternes étaient vraiment insuffisantes, on ne promenait tout autour du moulin que deux misérables lanternes « tempête »; alors que de nombreuses autos stationnant dans le chemin auraient largement éclairé de leurs phares tous les alentours du moulin.

On ignore encore les causer exactes du sinistre, que l'on attribuerait à un échauffement des poulies et courroies de transmission, comme au moulin de Keryarguez, distant de cinq kilomètres à peine, qui fut brûlé en janvier dernier.
La brigade de gendarmerie de Landivisiau qui se trouva sur les lieux assez rapidement continue l'enquête pour rechercher les causes de cet incendie.

Nous croyons savoir que M. Siohan avait assuré son moulin contre l'incendie.

 

Lardée de quatorze coups de couteau

Le 08/04/2021

LE CRIME DE SAINT-POL-DE-LEON. 15 juillet 1920. (De notre correspondant particulier.) Nous avons annoncé dans nos dernières éditions de notre numéro du 14 juillet qu'un crime accompli dans des circonstances odieuses avait été commis aux environs de Saint-Pol-de-Lêon. Voici les nouveaux détails qui ont été recueillis. La victime âgée de 14 ans, Anne-Marie Quéau, demeurant chez ses parents à Mez-ar-Roc'h> en Plougeulm, était l'aînée de quatre enfants. Elle devait revenir du marché de Saint-Pol-de-Léon, car on a trouvé près de son cadavre, un panier contenant du beurre, de la chicorée, des fraises, etc. Il aurait dû aussi y avoir du tabac, mais on n'en a trouvé aucune trace. Le drame s'est déroulé dans un petit chemin de passage, près de Kergompez en Saint-Pol, reliant la route de Landivisiau à la route de Plouescat et appelé chemin de Kerges. On a découvert à 80 mètres plus haut des traces de sang, ce qui fait supposer que la jeune fille a été assaillie là et qu'elle aurait réussi fuir son agresseur se dirigeant sur la route jusqu'au point où elle est tombée.

L'assassin s'est acharné sur sa victime avec une brutalité inouïe. L'autopsie a découvert quatorze coups de couteau sur la figure, le cou et la poitrine. L'un d'eux lui a perforé de part en part le poumon.

D'après l'examen du docteur. Rolland, médecin légiste, il n'y a pas eu défloration. De vol, à part la disparition du tabac, il n'y en a pas eu non plus. La mort remonte au 13 juillet entre midi et demi et une heure, moment ou la fillette revenait du marché.
Ce crime reste mystérieux. Aucun indice n'a pu être recueilli par le Parquet pour aider à la recherche du coupable. L'enquête continue. Espérons qu'elle aboutira à la découverte du misérable.

Le crime de Plougoulm

Le 25/03/2021

Audience du 24 avril 1896


7" affaire. — La cupidité est le seul mobile du crime sur lequel le jury est appelé aujourd'hui à se prononcer.

L'accusé, qui se nomme Olivier Floch, n'a que 26 ans. Il habite le village de Kervasdoué, en Plougoulm. Il a pour défenseur M' Lefebvre, du barreau de Morlaix.
M. Drouot, procureur de la République, soutiendra l'accusation.

On remarqua comme pièces à conviction les effets de la victime, dont quelques-uns tachés de sang.

L'acte d'accusation

Dans la matinée du dimanche 5 février 1896, au village de Kervasdoué, en Plougoulm, Marie Bizien, veuve Guivarc'h, voisine du nommé Ollivier Floch, l'entendait crier : « Marie... tuée ! » Elle sortit aussitôt pour demander ce qui s'était passé. Olivier Floch lui répondit que sa jument venait de porter à sa femme un coup de pied qui avait été mortel. La veuve Guivarc'h trouva, en effet, dans l'écurie, le corps de Marie-Louise Péron, femme Floch, couvert de sang et inanimé.
Il portait des plaies contuses à la tempe droite, des ecchymoses profondes aux paupières, plusieurs contusions à la gorge et de nombreuses égratignures à la face, sur les joues et au nez.

A la vue de ces blessures et avant toute constatation médico-légale, il était facile de se convaincre que la mort de la femme Floch ne pouvait être attribuée à un coup de pied de cheval et qu'elle était le résultat d'un crime. Aussi, dès le premier moment, un témoin appelé à visiter le cadavre n'hésita-t-il pas à dire à Floch : « Ceci est un crime, on ne peut pas inhumer ta femme sans en avoir prévenu l'autorité ».
Un autre témoin, Yves Le Berre, qui partageait son sentiment, l'accompagna au bourg de Plougoulm pour avertir le maire. Ce magistrat fit alors appeler le docteur Guillou, médecin-légiste, qui déclara aussitôt que les blessures constatées par lui devaient être attribuées à un crime.
L'autopsie à laquelle l'homme de l'art procéda, le lendemain, le confirma pleinement dans cette opinion en faisant découvrir, derrière les plaies de la partie frontale, une fracture du crâne, qui, suivie d'une hémorrhagie cérébrale, avait entraîné la mort. Cette fracture portait l'empreinte de l'instrument contondant qui avait servi à frapper la victime. Les multiples contusions du cou révélaient, en outre, une tentative de strangulation.

Devant les charges qui s'élèvent contre lui, Floch a dû, après quelques dénégations, reconnaître avoir lui-même donné la mort à sa femme. Il prétend toutefois ne l'avoir frappée qu'après avoir été injurié par elle et après avoir reçu dans le dos un coup de fourche, dont il ne peut montrer aucune trace. Il aurait riposté par un coup plus vigoureux et aurait renversé ou projeté brusquement sa femme contre le mur de l'écurie, où elle se serait blessée grièvement à la tète ; c'est alors que, de son propre aveu, redoutant une dénonciation de sa victime, il résolut de la tuer. La prenant à la gorge, il la tint ainsi longtemps et fortement serrée et, s'armant d'un vieux fer à cheval, il la frappa violemment à la tempe droite. La femme Floch se débat entre ses mains, essayant de se défendre ; il la maintient sous son étreinte en lui comprimant la bouche pour l'empêcher de crier et en lui labourant le visage avec ses ongles. Quand il la voit morte, ne donnant plus signe de vie, il sort, erre à travers champs et ne rentre que pour s'assurer qu'elle a rendu le dernier soupir.

En attentant à la vie de sa femme, l'accusé n'ignorait pas qu'elle était dans un état de grossesse avancée. Il avait, du reste, un intérêt pécuniaire à se débarrasser de la mère et de l'enfant.
A diverses reprises, la malheureuse femme avait été victime des mauvais traitements de son mari, qui, plus jeune qu'elle, ne l'avait épousée que pour sa petite fortuné. Elle lui avait apporté en mariage 3,600 fr., et il avait réussi, au mois d'août 1895, à se faire consentir par elle une donation de son bien.

L'accusé n'a pas d'antécédents judiciaires, il passait seulement pour être d'un caractère difficile.

Interrogatoire de l'accusé

D. — Floch, quand vous avez épousé votre femme, elle avait sept ans de plus que vous. Ce n'est donc pas pour sa jeunesse que vous l'avez prise. Pourquoi l'avez-vous épousée ?

R. — C'est mon oncle qui a fait le mariage.

D. — Vous avez déclaré à l'instruction que c'était pour son argent et aussi pour autre chose. C'est ce quelque chose que je voudrais savoir.

Pas de réponse.

D. — Votre femme était-elle heureuse avec vous ?

R. - Oui.


D. — Ce n'est pas ce que diront les témoins.

D. — Et avec vos parents ?

R. — Ils ne lui faisaient pas de misère ; mais elle ne s'entendait pas avec ma mère.

Le président. — Eh bien, d'un mot, je vais régler cette situation. Un jour que la morte avait fait une perte de sang considérable, elle fut obligée d'aller laver son linge. Des lavandières virent qu'elle portait des taches de sang et des marques verdâtres. Avait-elle été frappée ? C'est ce qui restera dans l'ombre. Mais savez-vous, messieurs, ce que la mère de l'accusé a dit ? Eh bien, elle a dit qu'elle était allée consulter une sage-femme et que celle-ci avait déclaré que Marie Péron avait une certaine maladie. La sage-femme proteste énergiquement. Enfin, un jour, la pauvre femme, malade, ne pouvait pas se lever.
Le père Floch s'est écrié : Il faut la jeter dans la mare à purin ! Voilà les sentiments de la famille Floch à l'égard de la malheureuse.

D. — Voulez-vous dire ce qui s'est passé dans la matinée du 5 janvier ?

Floch raconte alors la scène du meurtre, sans omettre de dire d'abord qu'il a été frappé ert injurié par sa femme. Il le fait avec une certaine hésitation.

Le président. — Vous n'étiez pas doux et mielleux comme cela, quand vous avez  tué votre femme ?

D. — Qu'avez-vous fait, une fois le crime commis ?

R. — Je suis allé faire un tour dans les champs.

Le président. — Ah ! l'homme pacifique ! Mais auparavant, comme vous aviez tout calculé, vous aviez placé la tète de votre femme dans le purin, à côté des chevaux, pour faire croire à un accident. Eh bien, vous avez un singulier aplomb. Non seulement, vous n'avez pas eu pitié de la mère, mais vous n'avez pas eu pitié de l'enfant, car vous saviez que ce petit être allait, dans quelques jours, venir à la vie, et vous, un homme jeune, à l'âge où les sentiments généreux se développent, au moment où vous allez pouvoir goûter les joies de la paternité, c'est ce moment que vous choisissez pour commettre un crime abominable. Allons donc ! vous avez voulu tuer et la mère et l'enfant, et nous savons pourquoi.

Et le président parle à ce sujet de la donation consentie par Marie-Louise Péron à son mari.

Le président. — Votre femme est tombée sous vos coups, demandant grâce. Vous ne l'avez pas écoutée, mais vous nous écouterez, nous. Il n'est pas possible qu'on continue à tuer ainsi en Bretagne.

Les témoins

On passe ensuite à l'audition des témoins. Onze sont entendus, parmi lesquels les suivants :

M. Antier, brigadier de gendarmerie à Saint-Pol de Léon, rapporte les constatations qu'il a faites le 5 janvier, constatations qui l'ont amené, dit-il, à conclure que la mort était le résultat d'un crime.

— M. le docteur Guillou fils, de Saint-Pol de Léon, en pratiquant l'autopsie de la femme Floch, a constaté deux plaies contuses au front, des ecchymoses considérables aux yeux, des égratignures de toute la face produites par des coups d'ongle, et au cou, dans divers endroits, des contusions démontrant des efforts de strangulation. En résumé, dit-il, la mort de Marie-Louise Péron me paraît produite par la fracture du crâne avec plaie et hémorragie du cerveau. Les essais de strangulation n'ont servi qu'à aider la mort trop lente à venir.

— Saluden (Jeanne), femme Velly,38 ans, cultivatrice à Sainte-Anne, en Plougoulm, rapporte que, deux mois environ avant le crime, se trouvant seule au douet avec la femme Floch (Olivier), celle-ci lui dit que son mari avait essayé de l'étrangler et qu'elle aurait bien voulu que quelqu'un prévînt les gendarmes.

— Françoise Créach, 17 ans, du Stang,en Plougoulm, déclare : — Le 4 janvier dernier, la femme Floch (Olivier) s'est plainte à moi de son mari, ajoutant qu'elle était malheureuse dans cette famille et qu'il n'y avait que son beau-frère Tanguy qui fût bienveillant pour elle. Elle m'a même raconté que la veille, étant indisposée, elle avait gardé le lit et que son beau-père, à un moment, s'est écrié : « Il faut l'arracher de son lit et la jeter dans la
mare à purin. » Son mari avait essayé par deux fois de la tirer du lit où elle était couchée.

— Marie-Louise Rioual, femme Abalain, demeurant au Runic, a également reçu les doléances de la femme Olivier Floch, qui, se plaignant un jour de son mari, lequel accomplissait sa période d'exercice militaire, manifestait le désir qu'il ne revînt pas, parce qu'il la faisait trop souffrir. Une autre fois, elle raconta au témoin que son mari l'avait engagée à passer contrat de donation mutuelle ; qu'elle n'avait pas envie de le faire, mais que cependant elle y avait consenti, pensant que son mari la ménagerait davantage et la mettrait plus à l'aise. C'était, dit le témoin, une excellente personne, n'ayant pas mauvais caractère.

Avant le réquisitoire, le président dit, s'adressant à l'accusé ; — « Vous n'avez pas accompli votre crime sous l'influence de l'ivresse, mais vous l'avez accompli lâchement, froidement, sans hésitation, et avec la plus grande férocité. Vous avez même déclaré que l'idée vous était venue d'achever votre femme, parce que vous craigniez qu'elle vous dénonçât. Eh bien, c'est de la préméditation, ou je ne m'y connais pas !» Et le président fait connaître qu'il posera la question de préméditation. L'accusation de meurtre est ainsi transformée en accusation d'assassinat.

Le réquisitoire

C'est au milieu d'une salle comble que le procureur de la République, M. Drouot, prononce le réquisitoire. Il entre aussitôt dans l'examen des faits. Cet homme, dit-il, s'est précipité sur sa victime, ayant en main ce fer pris dans un coin de l'écurie ; il a frappé à coups redoublés, sans qu'il y eût de défense possible ; il a redoublé ses coups et hâlé, par strangulation, la mort qui venait trop lente ; puis il a étendu la corps de façon que le purin du ruisseau
lavât cette tète sanglante. Après quoi il a inventé la fable d'un coup de pied de cheval donné au cadavre. Il n'a pas réussi à tromper l'opinion publique pendant un seul jour. Les faits éclataient dans leur série préméditée et réglée d'avance. Il a avoué avoir voulu achever sa femme pour l'empêcher de le dénoncer. Est-ce que ceci ne suffit pas à établir la préméditation ? Et son intérêt évident, cette donation de 1895 chez le notaire, lorsqu'il dit hypocritement que sa femme n'aura jamais d'enfants, alors qu'elle était enceinte de quatre mois, est la cause vraie de la mort de cette malheureuse. Tout le démontre. Jugez en juges du fait, dit en terminant M. Drouot, jugez sans hésitation, sans cruauté, sans faiblesse. C'est l'unique manière de comprendre les fonctions judiciaires. Si c'est une chose inique que de condamner un innocent c'en est une toute pareille que d'innocenter un coupable. C'est le mot connu de l'écrivain russe Tourgueneff : la clémence visà-vis des coupables n'est pas seulement de la clémence, c'est aussi de la cruauté vis-à-vis des innocents. Faites donc justice, et quand on vous demandera d'avoir pitié de cet homme, rappelez-vous sa victime innocente, jetée pantelante contre ce mur et dans cette fosse, et voyez qu'alors il a été, lui, sans aucune pitié.

La défense

M' Lefebvre, chargé de la défense de l'accusé, s'exprime ainsi :

Lorsque, il y a environ trois mois, j'ai été chargé de la défense de Floch, j'ai senti que la tache serait lourde, et cette impression n'a fait que s'accentuer, surtout depuis, qu'au cours de ces débats, la préméditation est venue s'ajouter à l'accusation, déjà si grave, de meurtre. Cependant, cette situation ne m'épouvante pas, parce que j'espère bien démontrer qu'il n'exista dans la cause aucun des éléments constitutifs de la préméditation. Et le défenseur s'attache à faire cette démonstration. A ce moment, l'accusé sanglote.

Reprenant à son tour l'examen des faits, M' Lefebvre dit que les témoins ont beaucoup exagéré et que la préméditation invoquée in extremis n'est pas suffisamment établie. Le meurtre ne saurait être discuté ; mais il reste la question des circonstances atténuantes, qui a une importtance capitale dans l'affaire. Le passé honnête de Floch, les conditions désastreuses de son mariage suffisent, dit le défenseur, à les motiver, et, donnant lecture d'une pétition des habitants de Kervasdoué en faveur de Floch, il espère que cet appel à la clémence sera entendu des jurés.

Le verdict

L,e Jury rapporte un verdict affirmatif de meurtre, sans circonstances atténuanfes.

En conséquence, Floch est condamnéaux travaux forcés à perpétuité.

 

A Cayenne, Floch eut une bonne conduite, malgré un caractère difficile. Il pratiqua l'effilochage. Mais il mourut en juin 1897.

Quand le PC défendait Perrot

Le 26/02/2021

HERRIOT INTERDIT LE DRAPEAU BRETON AUX FÊTES DU BLEUN BRUG

Et les Brestois « interdisent » la Marseillaise

Des faits fort curieux ont marqué dimanche les fûtes du « BIeun Brug » à Brest. II s'agit d'une association culturelle nettement catholique et qui avait accoutumé d'organiser ses solennités avec le concours de toutes les autorités. Mais depuis le 7 août il y eut du bruit dans Landerneau. et dans toute la Bretagne. Bien des choses sont changées. Le mot d'ordre du gouvernement de Paris est « Sus à tout ce qui se dit Breton » Or, les fêtes du Bleun Brug, si elles sont catholiques, sont bretonnes ; Les organisateurs avaient demandé des chevaux de cavalerie pour leur défilé .de. mardi prochain. On les leur refusa.

La musique de la flolte devait prêter son concours dimanche. Il fut retiré, et les musiciens furent expédiés à Cholet. Mais le fait principal fut l'interdiction absolue d'arborer aux fêtes le drapeau breton, l'étendard aux bandes noires et blanches. « C'est un emblême séditieux » déclarèrent les autorités. Les organisateurs qui pratiquent la morale chrétienne demandèrent qu'on leur permit do sortir leurs drapeaux munis d'une cravate tricolore française. Ils télégraphièrent deux fois a Herriot à ce sujet. Celui-ci ne répondit pas et l'interdiction fut maintenue. Mais il y eut la riposte et c'est ce qui nous intéresse.

Malgré toutes les brimades gouvernemenlales, la fête eut lieu au vélodrome. La foule était dense et avec le clair instinct qui, dirige toujours les masses quand un grand sentiment collectif les anime, elle donna au gouvernement de Paris une belle leçon.

Au programme étaient inscrites l'exécution par la musique de la Marseillaise et celle de l'hymne breton Bro Gor Ma Zadou. Les musiciens n'étaient pas là, mais on chanta. Des centaines de voix chantèrent l'hymne breton, et lui seul. Ainsi, de cette fête catholique, par sa politique de vexation et de brutalités policières, le gouvernement en a fait une manifestation protestataire.

Le Breton qui nous fait tenir ces détails ajoute « Vous aviez bien raison de dire qu'on n'aurait pas les Bretons par la terreur ». Je le crois en effet.

Souscription contre souscription

Je le crois d'autant plus qu'on sent partout un mouvement de résistance s'organiser. Les petits incidents que nous venons de relater valent surtout parce qu'ils montrent que l'agitation s'étend à des milieux que leurs convictions religieuses inclinent naturellement à l'obéissance et à la résignation. Mais, nous l'avons dit, le mouvement breton doit tirer sa force des masses populaires, et nous le soutenons avec d'autant plus d'énergie que nous le voyons s'orienter d'une façon très saine vers les luttes sociales.

Un exemple. Quelques courtisans du pouvoir central ont lancé l'idée d'une souscription publique pour restaurer en le modifiant au besoin le monument détruit par l'explosion et que tous les Bretons avaient en horreur. 
Il s'agit de démontrer « le loyalisme de la Bretagne » en recevant des souscriptions forcées de tous ceux qui dépendent du gouvernement, du patronat, des gros propriétaires.

C'est un défi, Mais les Bretons veulent le relever

Nous l'avons déjà dit, elle fait son chemin, l'idée d'une souscription pour l'érection d'un monument à Le Balp, héros paysan de 1675, chef, des « Bonnets Rouges », qui. au nombre de plusieurs milliers se lancèrent à l'assaut des châteaux, réclamant la terre et la liberté de la Bretagne.

Dans la situation actuelle, au moment où la misère s'assied au foyer de chaque cultivateur breton, cette glorification de l'insurgé paysan, qui souleva les masses dans une grande révolte historique fut trahi par les nobles et supplicié pour avoir détendu sa classe, les armes à la main, prendrait la plus haute signification.

C'est par l'action de ses paysans, de ses ouvriers, de ses pêcheurs de ses marins sous le col bleu, que la Bretagne secouera le joug de misère qui pèse sur elle.

Daniel RENOULT.

L'Huma, 6 septembre 1932