Les Kergournadeac'h

4 - La branche des Kerhoant de Kergournadeac'h (1530-1616).

 

 I. - Pierre II de Kerhoënt, époux de Soudanne de Bodister, fille d'Henri, issu de la maison de Dinan-Montafilan.C'est son frère, Jean de Kerhoant, qui hérita du manoir familail.

Moréri le voit parmi ceux qui prêtent serment au duc Arthus III en 1437. Il partagea les biens familiaux avec son frère Jean le 16 février 1452. Ses enfants :

  • Pierre III qui suit,
  • Alnette, épouse de Corentin de Langadu, chevalier, seigneur de la Motte.
  •  Soudanne, marie à Jean, seigneur de Kergroadez, chevalier,
  •  Guyonne, femme de Pierre de Kervidienne, chevalier,
  • Françoise, épouse de Thomas de Kerlovenan, chevalier.

 II. -  Pierre III  de Kerhoënt, seigneur de Trohéon. marié par contrat du 2 avril 1462 à Louise Huon, dame de Herlan et du Squirou, fille puinée d'Olivier Héon de Léon et d'Isabaut Foucault de Kernoulavern. Sa grand-mère est Isabaut de Penhoët.

4 septembre 1481. Se disant malade, Pierre de Kerhoënt se fait représenter par trois archers à la montre du Léon. Quoi que jugés bien armés ceux-ci furent refusés car sans rapport avec l'importance de leur fief.

III. - François de Kerhoënt. Chevalier, seigneur de Trohéon. Il épousa par contrat du 18 novembre 1479 Jeanne de Kergoanac, fille de d'Yves de Kergoanac et Jeanne du Bois. Elle survivra à son fils Alain et sera la curatrice de son petit fils.

  IV. - Alain, seigneur de Trohéon, en Sibiril,[1] époux  vers 1500 de Louise de Botquénal et frère de Jean, l'auteur de la branche du Herlan. C'est ainsi que sont signalés des Kerhoant de Botquénal, en Lopéret. L'épouse d'Alain est fille de Jean de Botquénal et de a première épouse, Adelisse de Coetmen.

Leurs enfants

Alain II qui suit

 

 V. - Alain II de Kerhoant, fils du précédent, épouse en 1530 Jeanne de Coëtquelven et de Kergournadeac'h, en Cléder. Ce n'est pas la première alliance entre les Kerc'hoant et les descendants du chevaliers Nuz, compagnon de Paul Aurélien. Car cinq générations plus tôt, une Marguerite de Kerc'hoent avait épousé Guillon de Coëtquelfen, paroisse de Plougourvest, seigneur de Bréningant, seigneur de Leslouch en Tréflaouénan. Leur fils, Maurice, s'allia en 1473 à Aliette de Kergournadeac'h, descendante directe du chevalier Nuz.

Le père de Jeanne Olivier de Kergournadeac'h, chevalier de l'ordre en 1532, mourra sans héritier mâle. Elle apportera donc son fief  en dote à Alain de Kerc'hoënt. Il entre en l'épousant dans une prestigieuse maison de Bretagne. Marie Anne Cabioch descendait quant à elle des Kergournadeach. C’est là le point commun entre notre famille et les fondateurs du manoir de Kerhoant.

 Alain de Kerhoant et Jeanne de Coëtquelven de Kergournadeac'h eurent :

  Françoise, épouse René du Penancoët de Keroualze. Ils comptent dans leurs descendants Louise Renée de Penancoët, maîtresse de Charles II Stuart, roi d'Angleterre et Lady Diana Spencer.

"- Contract de mariage dudit noble René de Penancoët, sieur de Kerouasle, avec ladite damoiselle Françoise de Guererent, fille puisnée de noble et puissant Allain de Guererent et Janne Kergournadech, sa compagne, sieur et dame de Torhuon, Kergournadech, etc., en datte du 23e may 1559, deubement

signé et garanty.

- Acte de transaction, en forme de partage donné noblement et advantageusement par noble et puissant Olivier, sire de Kergournadech, Trohéon, Coatquelfen, en qualité de fils aisné héritier principal et noble de feuz nobles et puissants Allain de Guerorent et dame Janne de Kergournadech, vivants sieur et dame de Guergournadech, Troheon, Coatquelfen, etc., ses père et mère, audit noble homme René Penancoët, comme mary et espoux de ladite Françoise de Guererent soeur puisnée dudit Ollivier, dans les successions de leurs dicts deffuncts père et mère, après avoir esté recogneu lesdites successions estre nobles de tout temps paratgées noblement et advantageusement entre les prédécesseurs desdites parties qui estoient nobles gents, issus d'entienne chevallerie et noblesse et avoient tousjours vescu noblement et honorablement ; ledit acte du 24e octobre 1576, deubement signé et garanty."

  Marguerite, épouse Jean de Kerbic. Alliée des Kerc'hoent de Kergournadeac'h comme des Goezbriand, la lignée des Kerbiec, anciennement d'Auffroy, s'est éteinte en la personne de Jean, seigneur du dit lieu, en Plouénan. Le couple eut une fille, Françoise, mariée à Claude Kerouatz.

Louise, épouse Tanguy de Chasteaufur, seigneur de Kerdévez. Ils eurent une fille, Marie, qui épousa Prigent de Lescoët et mit au monde, le 5 mai 1598, René de Lescoët.

 Olivier, qui suit, aussi seigneur de Kermen et de Kerliviry[2], antique manoir disparu au sud de Kerzéan. Kerliviry résista aux remontées des Normands sur le fleuve Kerallé, aujourd'hui ruisseau baignant Kergournadeac'h.

 VI. - Olivier de Kerhoant. Comme son grand-père, dont il abandonne les armes, Olivier de Kercoent est nommé chevalier de l'ordre en 1559, année où il épouse, en août, Marie de Plœuc, dame de Coëtanfao. Et de l'Estang. Un arrêt de maintenue des Kerchoent citera une enquête menée en 1584 à la requête de Olivier de Querhoent, sieur de Kergournadec'h, Trohéon, Coatquelfen... par laquelle «plusieurs anciens prestres, gentilshommes et habitants de la paroisse de Cléder déposèrent que ses ancêtres étaient bien d'ancienne chevalerie et portoient leurs écussons en carré et en bannières comme les anciens parements de la province et que messires les officiers de leurs juridictions étoient touz gentizhommes.»

Avec des gens comme Louis Barbier, Olivier de Kerc'hoent est des officiers qui, en 1594, signent la capitulation de Lesneven et se portent garants de la soumission de la ville à Henri IV.

 Olivier de Kercoent va bientôt mourir. Il a décidé de la construction d'un imposant  château sur les bases de l'ancienne fortification de Korn na deac'h, la forteresse inviolable. Auparavant un retranchement de la tribu gauloise des Osimes. Puis camp romain. Avant de prendre plus tard le nom de Kergournadeac'h, la maison forte du guerrier qui ne fuit pas. Olivier mourut en 1594 et fut inhumé en l'église de Cléder. Dans le chœur, on montrera longtemps la portrait d'Olivier, «peinture de son long, armé de toutes pièces, avec sa cotte d'armes de velours rouge cramoisy, son casque, son espée et esperons dorés, sa lance et sa cornette.»

L'épouse d'Olivier de Kerhoant mourut vingt ans avant lui, en 1573, lui laissant:

 

1) François, chevalier de l'ordre, marié en 1583 à Jeanne, dame de Botigneau. L'aîné des Kergournadec'h aura deux filles, Claudine et Renée, héritière du château. Quand elle se marie, en 1616, la branche se fond dans la famille Rosmadec.

 

2) Charles, seigneur de Coëtanfao, titre hérité de sa mère. Il créera une branche à ce nom qui deviendra aînée de la maison de Kerhoant.  Il est seigneur de Locmaria. Chevalier de l'ordre, il épousa en 1590 Isabeau de Creachquéraut, dame dudit lieu et de Kerautret.

 

Coupe de Molac. Armes de François de Kerhouent et de Jeanne de Botigneau

 

 

 

 3) Marie. Le 18 juin 1585, François du Coskaër, descendant d'un croisé reposant dans une île grecque, épouse Marie de Kerc'hoent de Kergournadeac'h. En 1622, leur fils François, seigneur de Rosambo, confirme le droit de ses ancêtres à paraître, faucon au poing, bottés et éperonnés, dans le chœur de la cathédrale de Tréguier.

 VII. - François de Kerc'hoënt, seigneur de Kergournadec'h et de Coetmenech, Trohéon, Coetguelfen, l'Estang, Garlot et autres lieux, vicomte de Plouyder, chevalier. Capitaine d'une compagnie de gendarmes, le vicomte de Coëtmenec'h commande la noblesse du Léon durant la Ligue. Enseigne de l'arrière-banc, il est du siège de Kerouzéré, assisté de nombreux paysans à la fin de mai 1590. Dans le camp du Roi, il est le lieutenant de 50 salades[3] désignés pour tenir garnison à Brest en 1593. François est fait chevalier de l'ordre de Saint-Michel en 1599. Il a épousé en 1583 Jeanne de Botigneau et attend d'elle des héritiers mâles. «Le bonhomme, rapporte une vieille chronique, disoit que, s'il avoit eu des garçons, il leur eust fait prendre le beau nom de Kergournadeac'h, comme déjà lui et son père en avoient pris les armes pleines et laissé celles de Kerc'hoent.» Maison, souligne le généalogiste d'Hozier, pourtant fort honorable et ancienne au dit Pays de Léon. Les Kercoent ont «de très belles et très anciennes marques, écussons en pierre, vitre et tombeaux et belles fondations en l'église-cathédrale de Saint-Paul, en celles des Carmes et autres églises et paroisses de la ville.» Mais les seigneurs de Kergournadech, dont la devise est «En Dieu est», portaient plus haut et étaient des premiers et des plus signalés des seigneurs du dit évêché. En l'église-cathédrale, n'ont-ils pas seuls le droit d'arriver à l'offrande du dimanche après les octaves de Saint-Pierre et de Saint-Paul, l'épée au côté, en bottes et éperons dorés. De prendre même place dans le siège épiscopal, au chœur de la cathédrale. Privilège que l'on dit avoir été accordé à Nuz, premier seigneur de Kergournadec, par Saint Pol, lui-même, premier évêque de Léon, pour son acte de bravoure. Une tradition que conserveront ses successeurs jusqu'à la Révolution, notamment les Rosmadec, mais aussi le sénéchal de Kergournadeac'h, représentant le seigneur du dit lieu.

François de Kercoent rêve donc de garçons. Il aura des filles.

 1) En juin 1601, au château de Bodigneau, Jeanne donne le jour à Renée. Puis à:

2) Claude de Kercoant et de Kergonadec. Cette dernière, dame de l'Etang, épouse le 12 mai 1621, François III de Kergroadez., baron de Kerlec'h. Le couple resta sans enfant. Claudine trépassera à 47 ans et sera inhumée, en 1648, en l'église ND-de-Brélès.

  Le château de Bodigneau est situé à la sortie du bourg de Clohars-Fouesnant.[4] Le couple le rénova au début du XVIIe pour en faire l'une des plus belles demeures de France, ceinte de douves et remparts où les Ligueurs tinrent garnison. A la chapelle de Saint-Cadou, en Gouesnach, un écusson garde leurs armes. Celles de Botigneau sont de sable à l'aigle éployée d'argent, membrée et becquée de gueules.

 François, voire déjà son père Olivier, aura parallèlement mené l'édification du nouveau château de Kergournadeac'h. Une généalogie des Kerc'hoent indique qu'il voulut ainsi «immortaliser sa mémoire en les bastiments superbes qu'il a entrepris du faict du chasteau de Kergournadeac'h qui mérite d'être mis au rang des belles maisons de France.»

En 1611, acte d'hommage fait par Pierre Plésidy, comme juveigneur d'armes à François de Kerc'hoënt, chevalier, seigneur de Kergournadec'h à cause de son manoir du Gollédic, avec ses dépendances situées sur la trève de Lanrivain . Pierre Plésidy déclare tenir ce manoir et ces terres dudit sieur de Kergournadec'h à cause de sa terre et seigneurie de Kerguilliou, parceque Guillaume de Plésidy, son aïeul, avait épousé Jeanne de Botigneau, demoiselle du Vieux-Chastel et dame du Gollédic.

Le 3 août 1620, François de Kerhoent, seigneur de Kergournadeach est d'une réunion au Creisker. Doit-on confier cette église aux minimes? L'avis dominant est celui de la noblesse. C'est oui. Pourtant, le projet n'aboutira pas.

A 69 ans, François de Kercoent, en 1629, expire au château de Bodigneau, «aimé et chéry de tous en son pays comme l'un des plus hommes de bien, vertueux et généreux seigneurs de son temps.» Le gendre d'Alain Droniou[5] laissait en effet la réputation d'un très brave homme qu'entourait l'estime et même l'affection générale. Il préférait Bodigneau. Mais souhaitait qu'on l'inhumât au château restauré par son père.[6]

Etant mort près de Quimper, son corps fut embaumé et transporté dans une litière, accompagné par sa veuve et, dans une autre litière, ses filles, Renée et Claude de Kerc'hoant, ses deux gendres, le marquis de Rosmadec et le Comte de Kergroadez en deux carrosses tirés par six chevaux. La cathédrale fut tendue de noir. La nef à deux rangs de velours et le chœur à trois. Le corps de Kercoent est reçu par l'évêque, l'oraison funèbre prononcée par le père Le Bar,  jésuite. Selon le vœu testamentaire de François de Kercoent, son corps pris la direction de la chapelle Saint-Jean pour y être enterré. A Kergournadeac'h, il y eut trois cents couverts de poisson et les convives y demeurèrent plusieurs jours. La veuve de François de Kercoent fait profession en 1631 au couvent des carmélites de Nazareth, près de Vannes.

La statue tumulaire de François de Kercoent, découverte dans les ruines de la chapelle en 1835 par Fréminville, fut malencontreusement enfouie sous un dallage cimenté. La disparition ultérieure de l'édifice en rend la recherche désormais impossible. Seul le lion qui veillait à ses pieds gît encore près de la fontaine et l'on retrouve un gisant similaire à la chapelle du château de Kerjean. En 1830, encore devant Fréminville, on exhume d'un cercueil de pierre aux armes de Kergournadeac'h, un cœur embaumé conservé dans un plomb de même forme.

 VIII. - Renée de Kerc'hoent de Kergournadeac'h avait convolé les 30 avril et 1er mai 1616. Elle a 15 ans quand elle épouse Sébastien, marquis de Rosmadec, deuxième du nom, son marquisat ayant été érigé à Telgruc en 1608. Toute sa vie, Renée signera du nom des Kercoent. Jusqu'au jour où, vers la fin de ses jours, elle découvrira, en consultant par curiosité le registre des baptêmes, que ses parents l'avaient déclarée sous le seul nom de Kergournadeac'h. Pourtant, celui des Kerc'hoent est présenté «comme le plus considérable party qui fut alors en Bretagne. Il faudrait, s'exclame Vulson de la Colombière, être venu du nouveau monde pour ne connaistre la grandeur et l'excellence de ce nom.» Mais le jeune marquis, lui aussi, «reluysoit parmy les plus grands et les plus relevez de ce pays comme l'opale entre toutes pierres précieuses.» On estimera à 50 000 livres ses rentes sur toute la province. Entre le marquisat de Molac, celui de Rosmadec et donc Kergournadeac'h dont le ressort de la juridiction, exercée à Cléder, s'étendait à Plounevez-Lochrist et Plouzévédé.

Mineur à la mort de son père, Sébastien de Rosmadec fut mis sous tutelle de Dame Marguerite de Beaumanoir, son aïeule. Laquelle l'envoya auprès du Roi où il parut sous le nom de Marquis de Molac, titre récemment acquis par feu son père. Le jeune Sébastien est admis à l'académie du Sieur de Benjamin. Là, il se montre très adroit à toute sorte d'exercices. Et particulièrement à la course à la bague. Un des plus beaux et plus heureux des gens d'armes de son temps, Sébastien a gagné jusqu'à plus de trente bagues aux assemblées de noces, baptêmes et autres cérémonies où il s'est rencontré.

Retourné en Bretagne, ses parents le considérant comme le chef  de la maison le marièrent avec l'un des plus beaux partis de la province. Mathurin de Rosmadec, son curateur, en arrêta les conditions avec les Kercoent.

En 1621, le mari de Renée de Kercoent a pour dessin de trouver le Roi au siège de Saint-Jean-d'Angely. Passant par Rennes, il est arrêté par ordre de sa majesté pour le trouver aux états de la dite province à l'ouverture desquels il préside en l'ordre de la noblesse et est désigné député vers le Roi. Avec l'évêque de Tréguier pour l'église et l'alloüé de Rennes pour le tiers, Sébastien de Rosmadec offrit au Roi un secours extraordinaire de 500 000 livres.

L'année suivante, Sébastien de Rosmadec accompagne le Roi en guerre au Bas-Poitou contre Monsieur de Soubize. On le déloge des îles de Mons, de Perrier, de Croixdeuy. Soubize se distingua au siège de Royan. Avec plus de bonheur que ceux de sa volée. Début 1625, Soubize surprend les vaisseaux du Roi dans le port du Blavet et veut prendre cette importante place forte de Bretagne.  L'époux de Renée de Kercoent est alors en sa maison de Molac, à une quinzaine de lieues de là. Accompagné de plus de cent gentilshommes, il est des premiers cavaliers à chasser Soubize de la ville. Il attaqua le matin en compagnie du sieur de Kerolein, commandant du fort. A minuit, Soubize abandonne, se retire dans ses vaisseaux et sera entièrement repoussé vers la mer.

Le marquis de Rosmadec en tira des honneurs qui lui valurent de paraître à la cour et d'accompagner le Roi lors de son voyage en Bretagne l'an 1626. Les états se tiennent cette année-là à Nantes et il est l'un des premiers députés de la noblesse à passer contrat et traité avec le Roi.

Durant le voyage, le Roi désirant lever deux régiments de gens de pied à drapeaux blancs et entretenus, il jeta l'œil sur Rosmadec et le baron du Pont-Château. Mais l'enrôlement des régiments sera différé pour des problèmes d'entretien. Au grand déplaisir du Roi.

 Renée de Kerc'hoent éclaboussée de sang

Les faveurs royales et le crédit familial ne sont pas assez fortes pour arracher François de Rosmadec, frère cadet de Sébastien, des mains du bourreau. On le condamna à la décapitation pour avoir tué un page de Louis XIII. A 29 ans, le jeune comte des Chapelles s'était porté témoin de son cousin maternel, François de Montmorency, dans un duel, place Royale, contre Guy d'Harcourt et le baron Buddy d'Amboise. Les deux cousins sont arrêtés alors qu'ils fuient vers la Flandre. Une chanson bretonne raconte comment Renée de Kerc'hoent, partie de Bodigneau, accourt à Paris pour obtenir du Roi la grâce de son beau-frère.

 Elle n'arrive en place de grève que pour écarter prévôt et archer et s'élancer vers le condamné déjà penché sur le billot. «Quand elle fut près de l'échafaud, la tête coupée de son frère tombait et le sang jaillissait sur son voile, qu'il rougit de haut en bas.»En 1634, le Roi octroie à Rosmadec le gouvernement de la ville de Quimper-Corentin après la mort de Jean, baron de Carré.  Puis celui de Dinan, en 1643.

 Mais Renée de Kercoent meurt le jeudi 19 novembre, à Paris. Un service solennel et magnifique est célébré en l'église du couvent des Augustins, faubourg Saint-Germain, à la mémoire, dit-on, d'une des plus belles, nobles et vertueuses dames de son temps. Renée de Kercoent sera inhumée dans la nef, côté évangile, de l'église du dit couvent. Très affligé, Rosmadec s'y retire trois semaines. Multiplie pour sa femme fondations, prières, aumônes.

On grave un épigraphe en lettres d'or dans le marbre noir: «Laquelle dame possédait des qualités éminentes par-dessus la qualité de son sexe, fait voir, par la brièveté de sa vie, que les corps les plus parfaits et les plus belles âmes s'arrêtent le moins en ce monde.» On raconte encore: «Ledit seigneur marquis lui fit dresser ce monument et fonder céans un anniversaire et autres prières pour le repos de son âme attendant que le même Dieu, qui par sa grâce les avoit joints et unis en ce monde, par sa bonté et l'éternité (les unisse) dans le ciel, amen». Renée de Kercoent laisse cinq des dix enfants nés de son union avec Rosmadec. Il meurt peu après son épouse, disent les romantiques. En réalité dix ans plus tard.

                                                                  La fin du château des Kercoent

 

 

 Un dessin de 1630 extrait des archives de la maison de Kerdanet montre Kergournadeac'h extérieurement achevé. Sébastien de Rosmadec, puis son fils, auront parachevé l'intérieur. Durant les travaux fut découverte une antique salle enterrée. Le décor renaissance des manteaux des cheminées et les consoles soutenant l'une d'elles montrent l'influence de Kerjean sur le nouveau château. Mais on conserva le plan et les fondations du premier. Si bien, observe un Henri Waquet, que «les grosses tours menaçantes ne sont plus là que pour un parti-pris d'archaïsme.» Vulson de la Colombière a reproduit Kergournadeac'h au frontispice de sa Science héroïque publiée en 1644. Les quatre grosses tours rondes sont coiffées de coupoles revêtues d'ardoises que surmontent des lanternes à colonnes, terminées par des girouette figurant de petits cavaliers, la lance au poing. Une rangée de mâchicoulis garnit les couines et les tours, leur donnant un aspect militaire qu'affirme encore l'existence, sous chaque fenêtre, d'une meurtrières. Kergournadeac'h comprend deux étages d'appartements et des sous sols. La base de la tour sud est garnie d'un éperon massif. A quelques mètres en avant, au bord de l'étang, se voient les ruines d'un bastion semblant débuter une enceinte extérieure. Les manteaux des cheminées sont ornés dans le style Renaissance. Un cave voûtée est creusée sous la tour nord-ouest.

Faite pour durer, la demeure ne fut habitée que 150 ans. Le fils de Renée de Kerhoant et de Sébastien de Rosmadec hérita du prénom de son père. D'abord enfant d'honneur du Roi, puis présent dans l'académie du sieur Arnolfiny, il sera gouverneur de Nantes en 1665, lieutenant général en Bretagne, mestre de camp de cavalerie, brigadier des armées du Roi. Appelé loin du Léon, délaissant les travaux de Kergournadeac'h, Sébastien s'est marié à René Budes de Guébriant, marquise de Sacé. Son fils, Sébastien IV, mourut sans postérité en 1700

Pour 502 000 livres fief et château de Kergournadeac'h furent acquis aux enchères par Mathieu Pinsonneau, haut dignitaire de la cour. La date de 1726 esst souvent avancée mais formellement contredite par les archives. Pinsonneau possédait déjà Kergournadeac'h en 1721 parmi nombre de seigneuries bretonnes. La tradition veut que sa femme, voulant pousser leur fils à la cour craignait  qu'une si belle demeure ne l'en détournât. Alors, dans la décennie de 1730, elle ordonna à ses vassaux de découvrir la demeure et d'en scier les poutres avant de disperser les éléments. Pillée par les habitants, on en fit une carrière de pierre pour la construction des églises de Plounevez-Lochrist, de Plouider. Il ne resta nul mur intérieur. Destruction bien inutile car ce fils que l'on entendait tant encanailler dans la capitale mourut célibataire. Pétronille, sa sœur, hérita des terres et ruines. Elle était l'épouse d'un conseiller d'Etat, Julien Bidé de la Granville. Au nord sera édifié un pavillon à combles élevés et lucarnes qui servira de siège à la seigneurie de Kergournadeac'h. Dans la cour intérieure, deux écussons proviennent de l'église de Cléder. Celui des Rosmadec et la devise «Gric a Molac», silence à Molac. Celui des Kergournadeac'h. Après les Granville héritèrent les famille d'Hautefort, puis de Maillé de Plounévez-Lochrist delaquelle les Budes de Guébriant acquirent Kergournadeac'h en 1878. Définitivement, devrions nous dire. Car entre-temps, les Poulpiquet, de Kernevez, en St-Pol, avaient acheté 143 premiers hectares. Ils passèrent chez les Guébriant par le mariage de Sylvestre-Louis-Anges-Spiridion Budes avec Olympe de Poulpiquet. De 1870 à 1875, le couple restaura à l'identique et fit couvrir d'ardoises les fermes de cette portion. Dont Kerliviry et son moulin. Puis, de 1878 à 1885, celles de leur nouvelle acquisition.

Dans les années 1990, le comte Jean Budes de Guébriant, propriétaire des ruines, entretenait près de là un pavillon de chasse. Il fit procéder à des fouilles permettant de dégager les très anciennes fortifications. Des fenêtre bouchées comportant des meurtrières de fortunes rappellent les combats entre blancs et bleus.

Tel fut le destin du château des Kercoent. La maison de l'homme qui ne recule jamais.

 

 

Commentaires

  • DE KERMENGUY

    1 DE KERMENGUY Le 12/10/2021

    Bonjour.
    Il serait intéressant de continuer l'histoire des Kercoent car Charles avait une fille qui a épousée le seigneur de Kermenguy son voisin à Kergornadeac'k, ce dernier descendant des Kerliviry, Penfentenyo et autres familles du Léon.
    Charles de Kermenguy, Kermenguy en Cléder.
  • Dominique

    2 Dominique Le 06/02/2024

    effectivement, l'un des piliers de la galerie devant Kermenguy montre l'écusson écartelé Kerriec/Kergornadeac'h de Marie de Kerc'hent, fille de Charles de Kerc'ho"ent épouse d'Olivier de Kermenguy et mère de Jacques lequel acheva la consteuction de son manoir en 1632

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