"Au camping des Flots bleus..." Forcément, quand je regarde mon voilier de bassin, j'ai aussitôt la chanson de Voulzy dans l'oreille. Cette maquette, elle a été achetée dans les années 60 dans un magasin d'articles de plage de Saint-Jacut-de-la-Mer ou de Cabourg, je ne sais plus trop. C'est en tout cas le nom de Saint-Jacut que j'ai peint tout gamin sur son panneau arrière. Enfin bref, depuis ma prime jeunesse, il m'aura accompagné toute ma vie. D'abord plage de la Pissotte puis comme élément décoratif sur le rebord de ma fenêtre. Mais 60 ans plus tard, à l'image de son heureux propriétaire, il avait pris un petit coup de vieux. Non pas sa structure. Simplement son foc et sa grand voile en coton qui s'étiolaient inexorablement.
En recherchant un jeu de rechange, j'ai alors découvert que ce jouet avait été créé en 1946 par un sabotier breton, Francis Tirot, frappé par le déclin des boutou coat mais judicieusement inspiré par la vague des premiers congés payés. Aujourd'hui, son petit fils, Nicolas, reste le dernier fabricant de voiliers en bois de tout l'hexagone, entouré de sa blonde épouse Carine et de deux salariés. Oui, ils sont quatre à résister aux assauts de toute une armada de navires en plastique venus de Chine.
A Romagné, l'entreprise ne vend rien. Ne se visite pas. Puisant dans sa propre plantation de hêtres, elle écoule sa production artisanale dans 250 magasins répartis dans toute la France et même au-delà. Essentiellement en été et à Noël. Chaque année, jusqu'à 20 000 voiliers sont ainsi fabriqués. Chacune de ces maquettes navigables nécessite 50 interventions manuelles avant sa finition. Rien que des matériaux nobles et locaux. Les hublots ? Des œillets de chaussures qui rappellent que le pays de Fougères fut jadis un haut-lieu de cette industrie.