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Le fils d'une Querhoënt...

Le 18/05/2021 1

Joseph de Tarragon, naquit le 12 mars 1870 au château des Minières, commune d’Azé en Vendômois ; il était le plus jeune fils d’Ernest, comte de Tarragon, et de Félicie de Querhoent.
Par son père, il appartenait à une vieille et noble race militaire, d’origine espagnole, mais établie en France au cours de la guerre de cent ans, vers 1423.
Par sa mère, il tenait aux meilleures maisons de l’ancienne chevalerie bretonne.
Avec un pareil atavisme de soldat, J. de Tarragon ne pouvait guère avoir d’autre vocation que celle des armes. Bon sang ne saurait mentir !
Aussi, dès qu’il fut bachelier, se prépara-t-il à subir les examens d’entrée à l’Ecole spéciale militaire. Mais comme il désirait ardemment l’arme de la cavalerie et qu’il ne se sentait point assuré de l’obtenir à Saint-Cyr, il se ravisa bientôt, changea d’orientation et s’en gagea au 10e régiment de dragons, à Nantes.
Il y conquit rapidement ses premiers galons et se présenta à l’Ecole de cavalerie de Saumur.
Son examen de sortie lui conféra l’épaulette.
Nommé sous-lieutenant au cuirassiers à Tours, il passa ensuite au 20° chasseurs à cheval, à Vendôme, en qualité de lieutenant et fut enfin promu capitaine en 1911 au 22 e régiment de dragons, à Reims.
En 1904, il avait épousé Mlle Marie de Valdahon, fille du comte de Valdahon et de la comtesse, née de Romée de Fresquienne (descendante de la famille de Jeanne d’Arc).
Il en eut quatre enfants, Robert, Richard, Xavier, Béatrix. D’extérieur séduisant et martial, avec sa haute taille, son regard clair, sa physionomie franche et sympathique, sa belle tête solidement plantée sur cle larges épaules et barrée de longues moustaches blondes, il réalisait en toute sa personne une magnifique silhouette d’officier français.
Beau et bon cavalier, tireur remarquable, plein d’entrain et de bonne humeur, il gagnait vite le cœur de ses camarades et l’attachement de ses subordonnés.
Qui dira, d’autre part, la chaude affection qu’il témoignait à tous ses proches et qu’il entretenait si particulièrement dans son cher foyer familial ?
C’est de tout cela que sont faits nos souvenirs... C’est de tout cela que sont faits nos regrets.
Mais à ce vaillant, nous devons plus que des souvenirs... plus que des regrets, nous devons un tribut d’admiration, car son glorieux trépas le grandit à la taille des anciens preux.
Suivons-le dans les rudes étapes de son poignant calvaire. Parti de Reims aux premières heures de la guerre, le capitaine de Tarragon entre en Belgique, le 6 août 1914.
Pendant 14 jours, il exécute des reconnaissances hardies, cherchant obstinément le contact de l’adversaire, et donne vigoureusement la chasse à la cavalerie allemande qui partout et toujours se dérobe au contact.
Mais, voici que tout à coup, les masses ennemies se ruent sur la Sarnbre en une trombe formidable. Il faut rétrograder, la rage au cœur.
13e Gembloux (20 août 1914), le 22 e dragons gagne successivement les régions de Bonsignies, Cambrai, Péronne, pour aboutir en fin de compte aux Boges-eu-Josas, près Versailles, oû il se repose quelques jours.
Pourtant les événements se précipitent. Paris est menacé. La France meurtrie, violée, vit une des phases les plus tragiques de son histoire.
Embarqué le 6 septembre à Versailles, le régiment tombe en pleine action dans la forêt de Villers-Cotterets. La bataille de la Marne est engagée.
Le 8 septembre, il reçoit la délicate mission d’enlever un convoi en nemi. Mais cette opération audacieuse, sans doute éventée par l’adversaire, devait être fatale à nos cavaliers.
Bientôt encerclés et traqués dans les forêts de Villers-Cotterets et de Compiègne, les braves dragons se voient contraints d’errer pendant trois jours dans les bois et finalement de passer sur le corps des fantassins allemands pour échapper aux mailles ennemies qui les enserraient de toutes parts.
Ca charge de Gilocourt fut un des épisodes les plus angoissants de ces inoubliables journées.
Au cours de cette galopade héroïque, le cheval du capitaine de Tarragon s’abattit connue une masse, étant blessé à mort. Quoique pris sous sa monture, le vaillant officier ne perdit rien de son sang-froid ni de sa mâle énergie.
« Je passe à côté de lui, écrit Christian Mallet ; je ne le vois pas, mais je reconnais sa belle voix de commandement qui nous crie : « Chargez mes enfants... Chargez à fond. »
Je ne sais par quels prodiges d’astuce et d’audace, notre capitaine parvint ensuite à se tirer d'affaire, à se soustraire aux mains des soldats teutons et à s’échapper enfin à la faveur de la nuit.
On lui fit fête quand on le vit tout-à-coup paraître à Verberie où il réussit à rejoindre les débris de son régiment si lamentablement éprouvé.
Cependant, notre prodigieuse victoire de la Marne, créait une situation nouvelle et l’état-major prussien, déçu de ce côté, tentait alors un coup de force vers la mer.
En conséquence nos corps de cavalerie durent gagner, en toute hâte, le nord de la France pour s’opposer coûte que coûte à cette reprise d’offensive.
Ce 25 septembre 1914, le capitaine de Tarragon exécute une audacieuse reconnaissance sur la localité de Chocques.
Ce 8 octobre, son escadron combat à pied pour défendre le pont d’Estaires.
Ce 17, il rentre en Belgique par Bailleul et Cocre.
Et voici que le 19 octobre, les dragons reçoivent l’ordre d’arrêter à tout prix la marche des Allemands qui prononcent une violente démonstration dans la direction de Calais. Il faut que la résistance des cavaliers donne à l’infanterie le temps d'arriver sur le champ de bataille.
L’heure de l’immolation suprême allait sonner !
Je ne puis mieux faire que d'emprunter ici la relation même d’un des témoins oculaires de cette mort héroïque, M. le lieutenant Christian Mallet qui était alors sous-officier du.capitaine de Tarragon.
Ce 20 octobre 1914, les masses ennemies, de plus en plus nombreuses, exerçaient une pression toujours croissante contre le barrage si faiblement étayé de nos cavaliers à pied. Les dragons tinrent avec une magnifique ténacité, malgré l’insuffisance de leur armement (lances et carabines). Mais de quels sacrifices ne durent-ils pas payer leur sublime et patriotique dévouement !
« Enfin, écrit Christian Mallet, voici que l'infanterie française entre en ligne ; il était grand temps que ce secours arrivât, car les cavaliers décimés, contenaient avec peine les furieuses attaques des colonnes ennemies. Bientôt on communique aux dragons l’ordre de se replier. L’opération était délicate, car nous étions serrés de si près que nous pouvions craindre d’être cernés d’un moment à l’autre. Il fallut donc rompre par échelons successifs.
« C’est alors que je vis paraître le capitaine de Tarragon à la croisée des chemins. Je le vois encore ! ... Il semblait immense dans son grand manteau bleu.
« Sans parler, il nous fit signe que nous pouvions nous retirer, il n’y avait pas tin instant à perdre. Mon peloton détale au pas de course et dépasse le capitaine, mais personnellement je m’arrête auprès de lui et je reste à ses côtés, avec mon camarade Magrin.
« Tous trois nous nous acheminons vers une ferme située près de la crête et derrière laquelle nos unités se regroupaient.
« Les lignes allemandes nous suivaient à courte distance et se rapprochaient de plus en plus.
« Un dragon retardataire passe en courant près de notre petit groupe, le capitaine lui arrache sa carabine des mains et se retourne pour tirer sur l’assaillant.
« La riposte ne se fait pas attendre et les balles sifflent à nos oreilles, nous rasant de près et criblent les tuiles de la ferme.
« J’implore le capitaine de ne pas s’exposer davantage.
« A quoi bon cette folie héroïque de vouloir tenir seul devant tout un bataillon ennemi ! Mais la haine de l’Allemand semble gronder dans son cœur et il me répond : « En vérité, ce serait trop dommage d’abandonner une pareille cible. » Pourtant, ayant épuisé ses cartouches, le capitaine se décide à rétrograder tranquillement, sans courir, défiant le monde entier de sa haute taille et de sa carrure de beau soldat. Mais au lieu de suivre le fossé qu’avaient utilisé ses hommes, il traverse en plein feu.
« Je le suis sans comprendre. Magrin est là aussi. Enfin, sur notre prière et sous l’avalanche des balles, le capitaine consent à chercher un abri momentané derrière un arbre qui peut nous masquer tant bien que mal. Mais à peine touche-t-il au but qu'une balle l’abat brutalement sur le sol, il roule avec moi dans le fossé, Avec l’aide de Magrin, je cherche à le soulever pour l’emporter, mais hélas ! nous n’y pouvons parvenir à cause de son trop grand poids. Je vois ses paupières battre une dernière fois... puis sa tête retombe lourdement en arrière, molle, exsangue et désormais sans vie. »

Ce récit d’un témoin est suffisamment éloquent dans son impressionnante simplicité, pour se passer de tout commentaire.
Conservons pieusement le souvenir de ce héros qui, ne pouvant plus combattre, voulut alors donner à ses hommes un dernier et magnifique exemple de sang-froid, de vaillance et de suprême mépris du danger.
Une telle mort enrichit singulièrement l’héritage d’honneur d’une famille et même celui d’une nation.
La dépouille mortelle du comte J. de Tarragon, capitaine au 22° dragons, mort au champ d’honneur en combattant pour la France, repose aujourd’hui en terre belge, à Staden.
La triste fosse est surmontée d’une croix et d’un casque de dragon

Extrait d'une Contribution biographique et nécrologique à la mémoire du Comte de Turragon par le Lieutenant-Colonel A. de Tarragon. Mémorial de guerre de l'École Notre-Dame-des-Aydes et du Cours Saint-Louis : 1914-1919 /Huré, Paul (1860-1944).

 

Commentaires

  • Pablo de Tarragon

    1 Pablo de Tarragon Le 25/10/2022

    Bonjour,

    Agréablement surpris de trouver une page mentionnant mon grand-père. Une toute petite correction, le prénom usuel de mon arrière grand-mère était Pauline, mais avait Félicie dans ses prénoms.

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