Faits-divers à Kerguennec

Le 19 avril 1899, le patron de notre ferme de Kerguennec, Olivier Derrien, rend l'âme. Il laisse une veuve, Jeanne Créach, et quatre enfants : Jeannie Derrien, mariée à Vincent Baron, cultivateurs rue du Pont-Neuf à Saint-Pol. Marie-Yvonne Derrien, épouse André Allain, tous deux marchands de quatre saisons à Nantes. Henriette-Françoise Derrien, épouse de Jérôme Pleiber, eux aussi marchands de quatre saisons à Nantes. Enfin Joseph Derrien, soldat au 118e de ligne à Quimper, toujours domicilié à Kerguennec.

En 1901 vit aussi à Kerguennec Jean-Marie Derrien, cultivateur.

Le 28 mars 1904 meurt à Kerguennec Olivier Creignou, 49 ans. Peu de temps avant, il était cultivateur au Ruvéic, à Saint-Pol où sont tous nés ses neufs enfants. 1904, c'est l'année où le vicomte Pierre d'Herbais de Tun, du château de Kerestat, devient maire de Roscoff. Pour quatre ans...

Avant l'arrivée de l'eau courante, on lave encore son linge au Len Baol.

Kerguennec dans le naufrage du Hilda

Cette catastrophe va longtemps marquer les esprits. En 1905, Kerguennec compte une victime dans le naufrage du Hilda, au large de Saint-Malo, qui ramenait 70 johnnies d'Angleterre. Il s'agit de Jean-Marie Caroff, 55 ans. Marié à Catherine Creach, il était fils de Jean Caroff et Claudine Creignou.

Si Jean-Marie Caroff est des 65 victimes, son fils, Olivier Caroff, compte en revanche parmi les cinq rescapés. Un miraculé ! Après une nuit d'enfer, on le retrouva à demi-gelé parmi les cordages du navire. Outre son père, il a perdu dans la catastrophe quatre cousins.

Malgré ce drame, Olivier Caroff reprendra la route de l'Angleterre où il est du reste enterré. L'un de ses fils mourra accidentellement à l'île de Wight en 1968 et sa dépouille fut ramenée par avion.

Voici ce qu'écrivit Louis Fabulet au sujet du naufrage du Hilda.

« A l'heure où j'écris ces lignes, mon ami Pierre d'Herbais, le châtelain de Roscoff, habitant de ce pittoresque manoir de Kerestat qui domine tout le pays et où convergent tous les champs de légumes, a couru à Saint-Malo. Le cœur brisé, car je connais son cœur, il cherche, cherche le long des grèves les cadavres de ceux qui, au printemps, chantaient dans les champs tout autour de sa vieille demeure, et venaient le dimanche jouer aux boules dans son parc; il cherche les cadavres de tous ces jeunes gens qu'il a vu élever et qui étaient la force, la richesse et la beauté de son pays. En Bretagne, on vit tout près du paysan, ce paysan qui n'est jamais vulgaire ni grossier; on prend part à ses joies et à ses peines, et on s'occupe de son cœur et de son âme. Il fait un peu partie de la famille. Loin de tout grand centre, l'homme d'éducation supérieur se sent, là-bas, une responsabilité qu'ailleurs il ignore, et c'est en Bretagne que ceux qui font de belles phrases sur la fraternité devraient aller apprendre comment cette vertu se pratique. Ils verraient la vicomtesse d'Herbais apparaître dans la cour de son manoir dès qu'un paysan ou une paysanne se présentent ils l'entendraient interroger, conseiller, réconforter. Ils la verraient un jour par semaine faire dans cette même cour sa large distribution d'aumônes, et une fois par an sa répartition de vêtements. Devant elle, au loin, au-delà des arbres du parc, c'est la mer, à l'infini, rugissant autour de rochers qui semblent des monstres; c'est l'île de Batz, c'est Roscoff, et tout en.procédant à ses distributions, ses yeux se posant sur cette immensité, elle murmure les vers de José-Maria de Heredia :

Et l'angélus, courbant tous ces fronts noirs de hâle

Des rochers de Roscoff à ceux de Sibiril, 

S'envole, tinte et meurt dans le ciel rose et pâle.

Cette même année 1905, François Cabioch loue toujours Kerguennec à Jeannette Créach, veuve d'Olivier Derrien, cultivatrice, et à Joseph Derrien, son fils, libéré de l'armée. Cultivateur, il est marié à Marie Tanguy. Le loyer est de 230 F jusqu'en 1914. Puis 290 F.

On retrouve les Derrien au recensement de 1906 avec d'autres familles. :

1) La famille de Mathieu Guivarch, cultivateur et propriétaire, époux de Pauline Séité. C'est le neveu de Joseph Guivarch, fondateur du calvaire. On note aussi à Kerguennec Eugène Guivarch. Mathieu Guivarch possède notamment des terres près du chemin allant de Roscoff à Santec.

2) Marie Yvonne Bodénan, veuve d'Olivier Creignou, elle finira ses jours à Rouen. A Kerguennec habitent aussi Yves Creignou et Paul Crégnou sans lien de parenté établi.

3) Louis Marchaland, époux de Jeanne Daniélou, il mourra en 1917. Cinq enfants dont Jean-Marie et Jacques qui demeureront toute leur vie à Kerguennec. Les Marchaland vivent au manoir primitif, propriété du châtelain de Kerestat. La tradition veut qu'il vienne encaisser son loyer à la Noël. Ce jour-là, une bouteille de Cognac l'attend sur la table, près des sous. Par politesse, d'Herbais ne quitte la maison qu'après l'avoir vidée entièrement.

4) Jean-Marie Daniélou, fils de Marie Corre.

5) Catherine Créach, native de Kerguennec, fille de Jean-Marie Créach et Marie Denise Séité. Elle est veuve de Jean-Marie Caroff, décédé en 1905.

6) Yves Calarnou, 55 ans, journalier, il est le beau-frère de Jérôme Créach, dernier né de Jean-Marie Créach et Marie-Denise Séité, Dans le naufrage du Hilda, Yves Calarnou a perdu son frère, Jean-Marie, chef d'une compagnie et plusieurs neveux.

7) Thérèse Créach, veuve Tonnard.

8) Louis Séité.

9) Sébastien Guillerm.

10) Yves Le Déroff.

Un autre, natif du village, est un héros de la Grande-Guerre. François Marchand est mort pour la France le 4 mai 1915 à Clermont-Ferrand à l’âge 38 ans

Outrages, coups et blessures

3 août 1910. — M. Daniélou, maire, ayant été outragé au moment du dépouillement du scrutin du 24 juillet, par M. J.-F. Séité, cultivateur à Kerguennec, a porté plainte à M. le procureur de la République. M. Alain Daniélou, domestique, s'est plaint également d'avoir été frappé par M. J.-F. Séité. Un certificat médical déclare que M. A. Daniélou subit une incapacité de travail d'au moins quinze jours. La gendarmerie enquête.

Les familles Derrien, Guillerm, Guivarch, Marchaland, Daniélou Caroff, Tonnard, Calarnou sont encore recensées en 1911. De nouvelles têtes : les Bergot, venus de Plouescat. Le chef de famille est cantonnier. Cette même année 1911 naît à Kerguennec Jeannie Caroff, fille d'Olivier Caroff et Marie Dilasser. Elle décédera en 2002 au 31 de la rue Brizeux.

1912 : construction du nouveau port de Roscoff. Vingt ans de chantier qui vont défigurer les abords de la tour Marie-Stuart.

Il y eut une vente par adjudication volontaire le lundi 23 septembre 1912, à deux heures de l'après-midi, au terroir de Kerguennec.

PREMIER LOT

Un Champ terre labourable nommé Parc-ar-Pors, cadastré section A, n° 628, pour une contenance de 22 ares 87 centiares. Mise à prix : 4.000 fr.

DEUXIÈME LOT

Autre Champ terre labourable dit Parc-ar-Vilar, cadastré section G, sous le numéro 172 pour une contenance de 20 ares 53 centiares. Mise à prix : 3.500 fr. Les dits champs loués jusqu'au 29 septembre 1913 au sieur Eugène Guivarch, de Kerguennec.

En juin 1925, Mme Jacques Guyader, ménagère à Kerguennec perd à l'église de Roscoff un porte-monnaie contenant une forte somme d'argent. Mais une femme nommée Guivarc'h le trouve et le remet à sa propriétaire. Un bel acte de probité d'autant plus que le fils de cette Roscovite exemplaire, Joseph Guivarc'h, 14 ans, apprenti-boulanger chez Henri L'Hostis, a trouvé lui aussi le porte-monnaie de M. Le Guern, un plâtrier.

UN ENFANT TOMBE DANS UN BAQUET D'EAU ET SE NOIE

Roscoff, 14 juillet 1928 (De notre correspondant particulier.) Mme veuve Marchaland Jacques, cultivatrice au village de Kerguennec, en Roscoff, était sortie de chez elle pour aller traire ses vaches. A son retour, quelques minutes après, elle constata que son fils Joseph, âgé de 14 mois, était tombé sur la tête dans un baquet d'eau. Le pauvre petit ne donnait plus signe de vie.
La malheureuse mère appela des voisins, puis M. le docteur Stéphan qui ne put que constater le décès.

VOL QUALIFIÉ AVEC ESCALADE.

Hier jeudi (29 janvier 1932), dans l'après-midi, la femme de M. Hyacinthe Guyader, marchand de porcs, demeurant au village de Kerguennec, en Roscoff, a constaté que son armoire placée dans une chambre au-dessus d'un hangar était entr'ouverte, que le linge qui s'y trouvait était pêle-mêle et avait été fouillé, qu'une petite boîte contenant un titre de mille francs du Crédit national ; 15.000 francs en titres divers; 12.000 francs en bons de la Défense nationale, puis trois billets de mille francs et quatre de 100 francs avait disparu.

Mme Guyader avait toujours soin de fermer son. armoire à clef et.mettait celle-ci dans sa poche. Le ou les auteurs du vol ont dû l'ouvrir au moyen d'un passe-partout ou d'une fausse clef, le meuble ne portant aucune effraction. Mme Guyader n'ayant pas eu besoin d'ouvrir son armoire depuis un bon moment, elle ne peut savoir au juste quand le vol a été commis. Les autres meubles de la maison n'ont pas été fouillés.

Pour pénétrer dans la chambre, le ou les voleurs ont monté sur un mur , haut d'environ 1 m. 50, puis ont pu facilement atteindre la fenêtre non fermée haute de 1 m, 30 environ de ce mur et n'ont éprouvé aucune difficulté pour commettre leur vol. La maison des époux Guyader borde un chemin creux, très fréquenté.

La gendarmerie de Saint-Pol-de-Léon, prévenue, procède à une enquête à l'effet de découvrir le ou les auteurs de ce vol très important.

En 1932, le bail de la ferme de Kerguennec fait état d'une maison, de granges, d'une soue à porcs et d'un jardin. Veuf, François Cabioch reste l'usufruitier de cette propriété. Sa fille, Marie Anne, épouse d'Yves Créach, meunier à Kerhoant, en est devenue propriétaire. La même année, François Guivarc'h, journalier à Kerguennec, épouse Marie Quéré, de Kernaoguer.

18 avril 1933 : François Marchaland, 19 ans, se blesse au côté droit en tombant de sa charrette.

En 1933, après la mort de François Cabioch, c'est sa fille, Marie-Anne, épouse d'Yves Créach, qui hérite de la ferme de Kerguennec. Celle-ci entre donc dans le patrimoine immobilier de Kerhoant.

UNE AUTOMOBILE CAPOTE

27 février 1934 . — Au cours de la nuit de dimanche à lundi, vers une heure du matin, M. Boyer, charcutier rue Amiral Réveillère, à Roscoff, revenait des Côtes-du-Nord, conduisant sa voiture automobile chargée d’œufs, de volaille et de diverses autres marchandises. Arrivé à proximité du village de Kerguennec, en Roscoff, par suite d'un cahot, son auto heurta une barrière, puis monta sur un talus et se renversa. M. Boyer fut pris sous sa voiture.

M. le docteur Stéphan fils, qui revenait de Brest en auto, s'arrêta. Comme il ne pouvait dégager seul M. Boyer, il se rendit aussitôt à la mairie et réveilla le garde champêtre Coz qui réussit, avec l'aide de cultivateurs, à dégager la victime.

M. Boyer, par un heureux hasard, s'est tiré de cet accident avec quelques légères blessures à un bras et des douleurs aux reins. Le blessé a été reconduit à son domicile par l'auto de M. Picard, garagiste.

L'auto est très endommagée. La gendarmerie de Saint-Pol-de-Léon enquête.

Le barde de Kerguennec

Kerestat avait le sien en la personne d'Eugène d'Herbais. Kerguennec compte aussi un barde qui se distingue lors du Gorsedd de 1934. La revue An Oaled en parle ainsi : « M. Yves Le Déroff, agriculteur à Kerguennec était vice-président du Comité local où il représentait les campagnards. Les éminents services personnels que M. Yves Le Déroff a rendus n'ont pas besoin d'être rappelés, cependant résumons-les en quelques mots. C'est à Yves Le Déroff que nous devons le recrutement des cavaliers léonards. Pour les trouver, il a parcouru les fermes, les a réunis ensuite pour les mettre au courant de leur rôle, les a rassemblés pour le cortège du lundi. C'est également Yves Le Déroff qui a obtenu le concours des charmantes paysannes en costume du pays. C'est lui qui a fait le tertre du Gorsedd à Sainte-Barbe, et qui ensuite l'a défait, ce qui a nécessité bien des charrois. Pendant la fête, il a fait le commissaire caissier pour aider le trésorier, et a donné une cotisation personnelle de 50 francs. A tous ces titres, Yves Le Déroff joint ceux d'être un parfait Breton bretonnant, et de porter le costume national. »

En juin 1937, François Créac'h, de Poul-Brohou, épousa Marie Derrien, de Kerguennec. On récolta 27 francs le jour des noces.

En 1950, veuf depuis quatre ans, Joseph Derrien rend l'âme. Son fils Louis reprend la ferme de Kerguennec avec son épouse Jeanne.

Marie-Anne Cabioch décède en 1974. Son fils, Jean Créach et son épouse Louise Gardic deviennent propriétaires de la ferme de Kerguennec. Elle appartient aujourd'hui à leurs héritiers.

FIN

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Date de dernière mise à jour : 04/10/2021

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